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SORCIERE DE VERSOIX Rolette Liermy 1537

L’affaire se déroule en ville de Genève, car sa principale protagoniste, Rolette Liermy, y habite depuis six ou sept ans, après qu’elle a quitté son village de Versoix.
Le mardi 3 juillet 1537, plusieurs individus entrent en force chez elle, la frappent et l’accusent d’être responsable de la maladie de leur voisin Jaques Paquet et sa femme. Ils décident de l’emmener chez eux la menaçant :
« si tu ne guarey Jaques et sa femme, noz toy tuyrons »

Lorsque le groupe est parvenu chez les malades, Rolette propose un moyen curatif qui ne devait pas manquer de les guérir : il faut saigner une poule et en verser le sang sur leurs visages.
Pourtant, malgré sa bonne volonté, elle est arrêtée à la sortie de la maison et conduite à l’Evêché, la prison locale. Là, elle est interrogée par le lieutenant de justice, à qui elle avoue finalement être une sorcière : huit ans auparavant, alors qu’elle était en colère à cause d’une dispute avec une voisine, le Diable lui apparut sur un chemin entre Coppet et Nyon, sous la forme d’un homme noir. Il lui proposa alors mille richesses si elle renonçait à Dieu, à la Vierge, aux Saints et au paradis, tout en faisant de lui son nouveau maître. Après bien des hésitations, elle accepta et se donna à lui. Il se transforma ensuite en chat noir et elle lui rendit l’hommage requis en le baisant au derrière, puis promit un tribut annuel d’une poule. Après quoi, le démon la mordit au bras gauche, scellant ainsi le pacte passé avec elle. En récompense, il lui donna de l’argent - qui se révéla par la suite n’être que du bois -, une boîte d’onguent destiné à faire mourir les gens et les bêtes, ainsi qu’un bâton blanc pour se rendre à l’assemblée périodique des sorcières, la synagogue. Rentrée à Versoix elle essaya la graisse sur une de ses chèvres, qui en mourut rapidement. Ce pouvoir l’effraya considérablement et elle décida alors de jeter la boîte dans la rivière, la Versoix. Conséquence directe de ce geste, le diable lui réapparut quinze jours plus tard et la battit pour lui avoir désobéi. Il lui remit alors la poudre maléfique pour remplacer l’onguent perdu.
Dès ce moment, elle réalisa ce que le Démon attendait d’elle et fit mourir plusieurs personnes et animaux, sa première victime ayant été la petite Claude Faure, âgée de quatre ou cinq ans. Ce choix ne s’était d’ailleurs pas fait au hasard : la sorcière était en effet en querelle avec la mère de la petite, Jaquema, à cause de ses vaches qui ne cessaient de faire des dégâts dans sa propriété. Pour se venger, elle souffla de la poudre maléfique sur le visage de la petite fille, qui en tomba malade et en mourut quinze jours après.

Rolette confesse également avoir fait mourir trois autres enfants et trois vaches de Versoix. Enfin, elle confirme avoir soufflé de sa poudre diabolique sur le visage de la femme Paquet, à Genève, et enduit les marches d’escalier de sa maison. Elle avoue encore s’être régulièrement rendue à la synagogue, où elle participa au festin de Satan en compagnie des autres sorcières.

Tels sont, en substance, les aveux que fait Rolette à l’officier de justice et aux syndics durant les cinq interrogatoires de juillet 1537. Il semble qu’elle le fasse spontanément, bien qu’elle soit également soumise à trois traits de corde, pour avoir varié dans ses réponses. Elle finit d’ailleurs par dénoncer une de ces complices, Jenavaz Pacardaz.
Cependant la procédure ne contient pas que ses confessions. On y trouve également les dépositions des témoins interrogés par l’officier de justice : il s’agit de neuf habitants de Versoix qui viennent déclarer que Rolette a toujours la réputation d’ « Hégère » et confirme que la petite Claude Faure fut giflée par elle avant de mourir,
« comment ainsi laz ouyr et racompter entre les voisins »

Ils ajoutent qu’elle menaça également différentes personnes qui moururent peu de temps après. Enfin, toujours grâce à leurs dépositions, nous apprenons qu’elle avait du quitter Versoix après avoir été déjà suspectée de sorcellerie.

Le jugement est rendu par les syndics le 21 juillet. Comme elle a

« commy homicide, usé de maliffice, venin tant en poudre que en oingture et ainsy donné malady et mal à mort à plusieurs personnes »,

elle est condamnée à avoir la tête tranchée à Champel. Son supplice servira ainsi d’exemple

« aux aultres qui tel cas vouldroyent commettre ».

 

 
 
 


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