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ECOGIA NOTES HISTORIQUES

Préambule

Dans son intéressant ouvrage sur l’Histoire de Versoix, l’auteur mentionne qu’en 1022, il est déjà question d’Ecogia :
Un archevêque de Lyon, Burchard, et abbé de St. Maurice, concède à Pierre, seigneur de Gex la terre d’Ecogia. Par cet acte, nous apprenons donc, qu’au début du XIème siècle, le domaine d’Ecogia était constitué.
Cet acte répond aussi à la question longtemps posée sur l’étymologie, c’est-à-dire l’origine de cette dénomination : ECOGIA = VILLA QUE DICITUR A DES GOGIA
Comment cette propriété du seigneur de Gex devint-elle celle de la famille Mégard… c’est-à-dire de Madame Girod de l’Ain ? L’histoire ne le dit pas.
Des notes rédigées par Mademoiselle de Butzow nous extrayons seulement ce qui suit :
De temps immémorial, depuis trois siècles dit-on, le domaine d’Ecogia appartenait à la famille Mégard… Marie-Pierrette Emilie Mégard, la généreuse donatrice y naquit en 1801.
En 1818 ou 1819, elle épousa le baron Girod de l’Ain, lieutenant de vaisseau au service de la France.
La commune de Versoix ayant été annexée en 1815 au canton de Genève, la famille Mégard ne voulut pas sacrifier sa nationalité française et paya l’impôt comme les derniers venus sur le sol genevois.
Le baron Girod de l’Ain mourut en 1846 laissant deux enfants : Louise-Marie Octavie et Jean-Louis Léon.
Presque à la veille de contracter mariage avec Mademoiselle de Foegeli, de noble famille fribourgeoise, ce fils sur qui reposait tant d’espérances, meurt prématurément à Rome le 6 mai 1854.
Madame Girod de l’Ain fut inconsolable, et quelques années plus tard en 1864, Marie-Louise Octavie, dont la vie est demeurée dans l’ombre, mourait à Nice, laissant sa mère sans héritiers directs, plongée dans le souvenir de ses chers disparus, vivant dans la prière et l'exercice de charité.
Ce préambule pour faire mieux comprendre la pensée dominante de Madame Girod.
Faire revivre et perpétuer la mémoire de ceux qu’elle pleurait : construire une chapelle où elle réunirait dans un caveau commun, les restes des défunts de sa famille, s’y réservant une place.
 

La Chapelle

Cette chapelle de pur style gothique fut construite sur les plans de Monsieur Charles Harent de Gex, architecte très capable et très chrétien, qui avait été précédemment administrateur des forêts du Jura pour la famille Girod-Mégard.
Monsieur Harent alla plus tard s’établir à Lourdes avec sa famille, il y dirigea la construction de la nouvelle basilique.
Dans les vitraux du chœur de notre chapelle, nous retrouvons les dévotions qui les ont inspirés : Notre-Dame des Sept-Douleurs, à qui la chapelle est dédiée. Saint Léon, patron du fils tant aimé de Madame Girod et Saint François de Sale qui rétablit le catholicisme dans le pays de Gex après la Réforme.
Le maître-autel en pur marbre de Carrare s’harmonise avec le style gothique de l’ensemble. La porte du tabernacle est due au peintre genevois Monsieur Vuagnat, parent de Mademoiselle Cécilia Vuagnat toute dévouée à l’orphelinat depuis sa fondation.
Les deux chapelles latérales sont dédiées à la Ste Vierge et à St José.
La chapelle d’Ecogia fût consacrée le 18 septembre 1862 en la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs par Mgr Marilley, Evêque du diocèse. Exilé du canton en 1848 pour n’avoir pas voulu accepter la loi de nomination des évêques par le Conseil d’Etat, et l’élection des curés par le peuple, il fut brutalement arraché de sa cure de St Germain, et sous escorte, conduit prisonnier au château de Chillon. Cette honteuse captivité ne fut pas de longue durée, à peine 2 mois, mais le décret d’expulsion devait durer huit ans, pendant lesquels il reçut la chrétienne et respectueuse hospitalité du marquis de Divonne, qui plus tard se glorifia de l’offrir au glorieux proscrit qui sera Mgr Mermillod.
Deux ans après cette consécration, Madame Girod voulut y rassembler dans un caveau les restes des membres de sa famille, vraisemblablement exhumés du cimetière de Versoix, autour de l’église, aujourd’hui désaffecté.

La famille

Jean-Gaspard MEGARD, homme de loi, père de Madame Girod de l’Ain, décédé le 17 juin 1827. En 1790, donc en pleine bourrasque révolutionnaire, il était Maire de Versoix, jusqu’à sa mort il tient dans la commune un rôle de premier plan, quoique toujours combattu à cause de ses opinions politiques et de ses principes religieux.
A ses côtés reposent :
Son épouse Marie-Emilie MEGARD, née Garnier, mère de Madame Girod décédée le 19 janvier 1817
Marie-Gabriel, Baron GIROD DE L’AIN, époux de Madame Girod, décédé à Ecogia le 7 mars 1846
Marie-Léon GIROD décédé à Rome le 6 mai 1854 et
Madame la Baronne GIROD DE L’AIN, décédée à Ecogia en octobre 1881
 

L'héritage

Oui, les morts reposaient en paix.
Il n’en étaitt pas de même pour ceux chargés de perpétuer leur mémoire, en dehors des douces obligations des prières et des messes. Héritage douloureux, a-t-on pu dire.
Un cousin de Madame Girod, Monsieur de B., malgré sa large part d’héritage et les volontés formelles de la testatrice, revendiquait la possession du domaine.
Pendant de longues années il accumula les difficultés et entraves de tous genres, causant ainsi de multiples soucis, angoisse et formalités aux responsables, aux hommes de loi, aux autorités ecclésiastiques.
Finalement débouté de ses injustes prétentions, il exigea qu’une plaque commémorative soit fixée dans la chapelle, au-dessous de la tribune, ordre du reste bien volontiers exécuté.
Sur le marbre noir, elle porte cette inscription :
A LA MEMOIRE DE LA BARONNE EMILIE GIROD DE L’AIN, NEE MEGARD, DONT LA PIEUSE GENEROSITE A LEGUE LE DOMAINE D’ECOGIA POUR UNE ŒUVRE DE BIENFAISANCE. SES CENDRES ET CELLES DE SA FAMILLE REPOSENT SOUS CETTE CHAPELLE.
R - I - P
Qu’il nous soit permis d’ajouter, sans le moindre ressentiment, que pendant un certain nombre d’années Monsieur de B., ou l’un de ses descendants, venait constater dans une visite, du reste courtoise et discrète, que l’œuvre de bienfaisance était bien réellement établie.
A la mort de Mademoiselle de Butzow en avril 1926, il paraissait tout indiqué que celle qui avait assumé tant de charges et de soucis, pour aboutir à la fondation de l’orphelinat dont elle fût la directrice et l’âme pendant de si laborieuses années ait sa place dans le caveau de la chapelle. Pour des raisons de salubrité reconnues justifiées à cause de l’humidité, le Département de l’Hygiène s’y opposa, et l’ouvrière infatigable de son œuvre, repose comme elle l’avait désiré dans le cimetière de Versoix, près de son cher Ecogia.
Après avoir ainsi fixé et protégé la sépulture de ses défunts, la grande préoccupation de Madame Girod, était de leur assurer, ainsi qu’à elle-même, des messes et des prières.
Elle pensa d’abord léguer sa propriété à Mgr Mermillod, alors auxiliaire de Genève, avec l’espoir que l’évêque pourrait y fonder un séminaire.
La correspondance et les relations avec le glorieux prélat dont nous célébrons actuellement le 50ème anniversaire de sa mort, témoignent de son bienveillant intérêt pour la solution de cette affaire, en vue du plus grand bien à opérer.
Mais soit que les conditions de cette fondation fussent inacceptables, soit que les débuts du KulturKampf en ces années 1869-1870, rendissent le projet impossible à réaliser, cette combinaison échoua.
Sans perdre de vue le but de bienfaisance, au milieu des difficultés et formalités compliquées, et avec toute la prudence nécessaire en un moment si troublé pour régler définitivement la prise de possession et la destination du domaine, tout projet resta en suspens pendant au moins une vingtaine d’années, ce n’est donc pas peu dire !
Le Château était occupé pendant l’été par une famille américaine : pendant ce temps le percepteur des enfants assurait la célébration des messes : pendant le reste de l’année, Mr le Curé de Versoix, le chapelain de St Loup ou des prêtres de passage ou en séjour de repos y suppléaient tour à tour jusqu’à ce que enfin, la Constitution d’une Société Civile d’Ecogia, inscrite au Registre du Commerce permit de stabiliser la situation.
On put alors envisager l’installation bien modeste d’un chapelain à demeure dans ce que nous appelons encore « La Souricière » à l’entrée du jardin potager, jusqu’à ce que en 1909, grâce à l’initiative de Mademoiselle Butzow fut construite la coquette maison de l’Aumônerie.
Pour en faciliter l’accès sans traverser la chapelle, c’est à Mgr Ruche, l’infatigable ouvrier des âmes, pendant 22 ans, dévoué à l’orphelinat qu’on doit l’heureuse idée de la porte conduisant à la sacristie au petit enclos de la Vierge.
Dès lors rien d’essentiel ne manque à l’édifice matériel pour développer l’édifice spirituel de la piété et du recueillement. Les chants et la décoration fleurie rehaussent les cérémonies et les fêtes qui s’échelonnent au cours de l’année.
En plus des grandes fêtes liturgiques la cérémonie toujours émouvante de la Première Communion donne occasion pour de nombreux parents d’une émotion salutaire, lorsqu’ils vivent éloignés, comme c’est hélas le cas, de toute pratique religieuse.
Parfois même cette Première Communion est précédée du baptême, et même une fois ou l’autre d’une abjuration solennelle.
Pour la célébration des mariages, avec toutes les autorisations nécessaires on préfère ce petit sanctuaire de notre chapelle à tout apparat extérieurdes églises des grandes villes...
De plus, Mademoiselle de Butzow avait obtenu de Mgr Broquet, Vicaire Général, la faveur de l’adoration perpétuelle pour les fêtes du Sacré-Cœur, et même les cérémonies de la Semaine-Sainte s’y déroulent dans toute la mesure possible.

L'oeuvre

C’est donc que l’Oeuvre y a pris consistance et développement par ordre évident de la Providence qui dispose des événements selon ses vues.
La persécution religieuse en France, qui, en 1903 chassait les religieuses de leurs maisons, fermait les orphelinats de Vallard et Ville-la-Grand aux portes de Genève : leurs enfants étaient donc sans abri, Mgr le Vicaire Général, sans hésiter, insiste pour la Fondation de l’Orphelinat, qui supprimait ainsi toutes les hésitations.
Très modeste en ses débuts, l’œuvre n’a cessé de progresser pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui avec les heureux développements tout récents, dus à une direction si parfaitement adaptée aux besoins actuels.
Les pierres tombales fixées à gauche de la porte d’entrée de la chapelle étaient restées adossées au mur de l’église de Versoix.
Lorsque le cimetière entourant cette église fut désaffecté pour être établi plus en dehors des habitations il convenait de rapprocher leurs inscriptions, noms et dates du lieu où reposent les restes mortels de leurs titulaires. Par les soins de l’Orphelinat ce transfert eu lieu il y a une dizaine d’années.
C’est aussi rappeler aux visiteurs, l’origine et le but de l’érection de notre chère et gracieuse chapelle aujourd’hui toute rajeunie et embellie, d’où partent depuis bientôt 50 ans tant de prières, de sacrifices et d’actions de grâces.
Si pour chaque paroisse le clocher est le point central du rassemblement, la chapelle d’Ecogia, malgré l’absence de ce clocher, est aussi le centre de rayonnement d’où partent et où convergent les aspirations apostoliques pour « l’Adveniat Regnum Tuum « .
De nouvelles et précieuses bénédictions vont descendre aujourd’hui sur la chère maison, par les mains secourables de St Joseph.
Puissent-elles féconder toujours davantage cette petite portion du champ du Père de famille en augmentant le nombre des ouvriers qui s’y dévouent pour une moisson toujours plus abondante.
Direction de l'Institution d'Ecogia, 1942. 

 

Anecdote relevée dans le Journal de Genève du 1 novembre 1881:

"Mme la baronne Girod de l’Ain, décédée la semaine dernière dans sa propriété qu’elle possédait à Ecogia, près de Versoix, sur le territoire de notre canton, avait manifesté le vœu d’être inhumée dans la chapelle privée qu’elle avait fait construire dans sa propriété.
L’enterrement devait avoir lieu samedi matin comme le portait l’annonce mortuaire insérée dans les journaux de notre ville ; mais la famille ne s’étant pas pourvue de l’autorisation nécessaire à cet effet d’après la loi, le département de justice et police y mit opposition. Le même jour, le Conseil d’état s’est occupé de la question ; contre l’avis de M. Carteret, le Conseil d’Etat a décidé d’accorder l’autorisation demandée ; d’après
le Genevois, l’enterrement a eu lieu dimanche à neuf heures du matin, conformément au désir de la défunte et à celui de ses parents."
 

http://versoix-autrefois.kazeo.com/Institutions-Pensionnats,r114364.html 



 

 
 
 
 


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