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WARTMANN Elie (1817-1886)

Elie Wartmann est né en 1817. Il est le fils de Louis-François, professeur à l’Académie.

Physicien, il a étudié les courants électriques dans les légumes. En 1843, il a donné un aperçu exemplaire du daltonisme. On lui doit un "Mémoire sur la diathermansie électrique des couples métalliques" (lu à la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève, dans sa séance du 18 juin 1840); "Recherches sur la conductibilité des minéraux pour l’électricité voltaïque" (lues à la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève, dans la séance générale du 20 novembre 1851) ; " Notice historique sur les inventions et les perfectionnements faits à Genève dans le champ de l’industrie et de la médecine" Genève – 1873.

Elie-François Wartmann a conçu le premier phare du port des Pâquis, qui se dressait sur la jetée, son fonctionnement à l'électricité était exceptionnel pour l'époque. Wartmann était aussi intéressé par l’archéologie et récolta en 1835 des vestiges préhistoriques dans les grottes du Salève.
En 1854, il achète aux consorts Mayor et Maccond d’Echallens, pour 9.800 frs, une parcelle au bas du chemin des Colombières. Il y fera construire une maison dessinée par l’architecte Bernard-Adolphe Reverdin. C'est en 1856 que se constitua un comité d'initiative pour construire le temple de Versoix, Elie Wartmann en faisait partie.

Photo Nathalie Rillet, Office du patrimoine et des sites

ELIE WARTMANN

   L'Université vient de perdre un professeur distingué, la patrie genevoise et suisse un citoyen dévoué, toujours prêt à mettre avec joie et abnégation son savoir, son temps et les remarquables aptitudes de son intelligence et de son caractère au service de toutes les entreprises utiles à la science et au pays. Elie-François Wartmann, né à Genève le 7 novembre 1817, a suivi avec distinction les études de notre collège et de notre académie, où d'éminents professeurs enseignaient alors les sciences physiques, chimiques et naturelles. Après de brillants examens, il obtint successivement les quatre grades de bachelier : aux lettres, aux sciences physiques et naturelles, aux sciences philosophiques et aux sciences mathématiques, avec le titre honorifique de maître des arts. En 1838, âgé de 21 ans, il se présente comme candidat à la place vacante de professeur de physique et de chimie à l'Académie de Lausanne et il obtient d'être nommé à cette chaire à la suite d'un rapport unanime des jurés.

 Signature d'Elie Wartmann

   Là il se distingue par un enseignement clair et précis, par une grande habileté à manier les instruments et à faire réussir les expériences et par une bienveillance sans borne pour les élèves qui suivent ses cours.

   Il partage son temps entre les devoirs de sa place et la publication de nombreux travaux originaux qui peuvent compter déjà dans le nombre des plus importants qu'il ait publiés. Il collabore en même temps aux Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, aux Archives de l'électricité (taisant partie de la Bibliothèque universelle de Genève, que dirigeait M. Aug. de la Rive et au Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, bulletin dont il a été un des fondateurs.

   Les conseillers d'Etat nommés à Genève en 1846 à la suite de la révolution genevoise, ou disons plutôt, pour être exact, leur chef, M. James Fazy, n'avait pas hésité à enlever leurs chaires à plusieurs des plus éminents professeurs nommés à vie dans notre Académie. L'illustre savant Aug. de la Rive, dont le nom restera attaché à la couronne scientifique genevoise comme une des plus hautes illustrations scientifiques de notre ville, avait dû donner sa démission de professeur de physique théorique et expérimentale.

   Le chef du département de l'instruction publique, M. Pons, mettait une grande importance à la réputation de l'Académie et il avait vu avec chagrin la démission de M. de la Rive. Ayant appris que M. Elie Wartmann désirait se poser comme candidat pour succéder à M. de la Rive, il s'était renseigné auprès de personnes compétentes à Lausanne et à Genève sur ses mérites ; fort de l'appui de la majorité des membres du Conseil d'Etat, il parvint à surmonter l'opposition tenace de M. J. Fazy, qui s'était déclaré opposé à cette nomination.

   M. Wartmann ne fut nommé d'abord qu'à titre provisoire et pour une seule année, mais dès le mois de novembre 1849, le succès de son premier cours parlant en sa faveur, il reçut le titre de professeur définitif et il a occupé cette chaire sans aucune interruption pendant trente-cinq ans, c'est-à dire jusqu'à fin 1883.

   Pendant ces trente-cinq années, toutes les sciences physiques se sont développées à pas de géants et il suffit de rappeler ici les merveilleuses découvertes sur l'électricité, le magnétisme, la théorie de la chaleur, etc., ainsi que les innombrables applications qui en ont été la conséquence dans la mécanique, les arts et les travaux industriels.

   M. le professeur Wartmann parlait avec une remarquable facilité les langues allemande et anglaise, et faisait de fréquents voyages dans les pays scientifiques d'Europe pour se tenir au courant de ces progrès; lié d'amitié avec de nombreux savants en France, en Angleterre, en Allemagne et en Italie, il entretenait une correspondance suivie avec plusieurs d'entre eux ; il étudiait la construction de chaque nouvel instrument servant à démontrer ces découvertes, et mettait un intérêt tout spécial à en enrichir la cabinet de physique de notre ville.

   Cette préoccupation a été un des buts principaux de sa carrière scientifique et il y a consacré son érudition, sa remarquable persévérance, son esprit d'ordre et son génie organisateur.

   C'est grâce à lui et aux dons plus abondants qu'il a su obtenir de l'Etat ou de la municipalité, pendant la seconde moitié de son professorat, que notre Université genevoise possède aujourd'hui un splendide cabinet de physique, où toutes les parties de cette vaste science sont représentées par des appareils d'une notable valeur. Ces libéralités des corps constitués en faveur des cours publics et des cours universitaires, sont largement justifiées par les innombrables applications des sciences physiques, chimiques et mécaniques, au développement de tous les arts et de presque toutes les industries modernes.

   Les expositions industrielles universelles peuvent seules révéler aujourd'hui et faire entrevoir au penseur et à l'homme intelligent les innombrables bienfaits qui découlent pour les générations actuelles de ces découvertes qui presque toutes prennent naissance dans de longues et patientes études poursuivies dans les laboratoires et dans les cabinets scientifiques.

   Les qualités que nous avons énumérées et qui distinguaient si éminemment M. Wartmann, le désignaient naturellement au choix du gouvernement fédéral et de celui du canton de Genève, pour représenter des intérêts suisses ou cantonaux aux nombreuses expositions internationales qui ont succédé à la première et justement célèbre exposition universelle de Londres en 1851.

   M. Wartmann n'avait pris part, ni comme délégué, ni comme juré, à cette première manifestation scientifique et industrielle où la Suisse fut représentée par deux commissaires, membres aussi de jurys importants MM. Bolley et Colladon, mais à l'exposition universelle de Paris en 1855, il fut chargé par le Conseil d'Etat de notre canton de lui faire un rapport sur l'industrie genevoise h cette exposition.

   Le Conseil fédéral, lors de l'exposition universelle de 1867 à Paris, demanda à M. Wartmann un rapport sur l'horlogerie suisse et à l'exposition universelle de Vienne en 1873, un compte rendu sur les instruments de précision et sur ceux de l'art médical. En 1876, le même professeur était président de la commission fédérale peur l'exposition scientifique anglaise à South Kensington ; en 1877, il fut désigné comme l'un des trois commissaires chargés de préparer les envois de la Suisse à l'exposition universelle de 1878 à Paris. En 1881, il était membre de la commission cantonale pour l'exposition suisse à Zurich et membre du jury international des électriciens à l'exposition d'électricité en septembre et octobre 1881 à Paris. Enfin, en 1884, il fut nommé vice-président du jury international d'électricité à l'exposition italienne à Turin.

   Cet exposé si étendu ne représente qu'une partie de l'activité dévouée de M. Wartmann pour les intérêts nationaux suisses et genevois.

   Il a été, pendant quelques années, membre du Grand Conseil, il a fait partie du Consistoire de l'Eglise nationale protestante ; membre influent de la Société d'utilité publique cantonale, dont il a été le président en 1864, 1865 et 1866 ; il a été membre suppléant du conseil scolaire du Polytechnicum de Zurich et deux fois recteur de l'Académie de Genève, en 1860 et en 1870. Devenu un des membres influents et actifs de la Société des Arts, où il était un des représentants de la Classe d'industrie et de commerce, il a fait partie de nombreuses commissions et a été élu onze fois président annuel de la Classe d'industrie et de commerce !

   Genève doit à l'institution libérale de la Société des Arts une notable partie de sa réputation artistique et industrielle, et le titre de membre actif, ou de membre correspondant, de la Société des Arts de Genève est justement considéré, depuis le commencement du XIX'"° siècle, comme une désignation honorable pour les savants et les industriels.

J'extrais le paragraphe suivant d'une intéressante notice historique que M. Wartmann a publiée en 1873 sur les inventions et les perfectionnements faits à Genève dans le champ de l’industrie et des arts (1).

 « En 1776, plusieurs particuliers réunis chez Horace-Bénédict de Saussure forment une société pour travailler au perfectionnement des arts ; l'argent nécessaire est fourni par trois cents personnes qui s'engagent à payer chaque année une cotisation d'un demi louis (la valeur de l'argent et de l'or a diminué de plus de moitié depuis cette date). Eu 1878, on compte cinq cent vingt-cinq souscripteurs et on ouvre le 1er février, aux frais de la société, une classe de dessin d'après nature.   En 1787, la Société pour l'avancement des Arts avait créé un dépôt d'or raffiné et laminé à l'usage des doreurs. Elle y consacra un capital de mille livres courantes, dont elle ne retirait aucun intérêt, afin que les pauvres doreurs et doreuses pussent trouver là, à un prix modéré, de très petites quantités d'or fin, sans être rançonnés par ceux qui le leur vendraient en détail. »

  Pendant les cent dix années de l'existence de la Société des Arts, elle a créé d'innombrables concours avec des prix décernés aux candidats les plus méritants, elle a été réorganisée avec trois classes : Beaux-Arts — Industrie et commerce — et Agriculture, sur l'initiative de Pyrame de Candolle, en 1822. On lui doit les cours industriels du soir ; les écoles d'horlogerie, les séances publiques spéciales en vue du progrès des arts, de l'industrie, du commerce et de l'agriculture, elle a organisé aussi les premières expositions de tableaux et industrielles qui ont eu lieu à Genève, elle a institué, avec les cotisations des membres, des bibliothèques spéciales, de précieuses collections de tableaux, de machines, etc. etc. (2) et en particulier l'ancien Journal de Genève (avant 1789) consacré surtout aux arts et à l'industrie ; elle a largement subventionné un conservatoire de mécanique fondé en 1844, sur la proposition de M. Colladon, fortement appuyée par M. A. de la Rive.

   Le développement de ce conservatoire industriel qui avait reçu de riches dons de membres de la classe, a été longtemps retardé par le manque de locaux convenables; installé d'abord dans le musée Rath dont la donatrice, membre de, la Société des arts, avait voulu affecter la jouissance en faveur de cette société et de ses classes, il en a été expulsé, ainsi que d'autres collections utiles à l'industrie genevoise, lorsque M. J. Fazy s'empara par la force de ce musée, en 1851.

   Transféré d'abord dans le Grenier à blé, il a enfin trouvé un local plus convenable, lorsque Mme Eynard eut fait construire le beau bâtiment de l'Athénée, spécialement en vue de la Société des arts.       Le conservatoire industriel a pu dès lors s'y développer, et M. Wartmann — qui pendant ses onze présidences annuelles à la Classe d'industrie et de commerce, s'était activement occupé de sa réorganisation —a consenti en 1871 à en devenir le directeur en chef.

   Sous son habile administration, ce musée est devenu une des collections industrielles les plus remarquables de la Suisse, il lui a été fait des dons et des prêts nombreux, qui ont de beaucoup dépassé les prévisions les plus optimistes sur son développement.  

   Pendant les dernières années du professorat de M. Wartmann, les nombreuses fonctions dont il a eu à s'occuper, avec l'activité et le zèle qu'il mettait à remplir les devoirs imposés par ces fonctions, avaient un peu ralenti son activité scientifique.

   Il a publié à diverses époques de nombreux mémoires ou notices dans le Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, dans les Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, dans les Archives de l'électricité, devenues plus tard les Archives des sciences physiques et naturelles de la Bibliothèque universelle et dans le Bulletin de la Classe d'industrie et de commerce.

   Il n'est pas possible d'analyser, dans un article de journal, ces diverses publications ; il faut se borner à indiquer très sommairement quelques-unes des plus importantes.

   Son premier travail sur le Daltonisme, imprimé dans les mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle, en 1840, restera comme un modèle de discussion physiologique et physique, ainsi que le second mémoire sur le même sujet, publié dans le même recueil en 1844.

   Dès cette époque M. Wartmann constatait le grand nombre de personnes qui, par une disposition naturelle ou à la suite d'accidents, sont affectées de daltonisme et qui, dans quelques pays, sont au nombre d'une personne sur vingt-cinq ou trente.  

   Ces daltoniens sont incapables de discerner certaines couleurs et confondent le plus souvent le rouge avec le vert ou avec le bleu ; l'auteur insistait sur les dangers qui doivent en résulter pour le service des chemins de fer, pour celui de la navigation à vapeur, etc.; ce n'est que quarante ans plus tard que la plupart de ces grandes administrations se sont convaincues de l'absolue nécessité de faire subir des examens préliminaires de vision normale à leurs employés.

   Le professeur Wartmann a publié dans les Archives de l’Electricité d'Auguste de la Rive, 1842 à 1850, huit mémoires sur l'induction voltaïque, c'est-à-dire sur ce fait remarquable découvert par Faraday en 1832, de l'influence que possède un courant voltaïque pour produire instantanément un courant momentané de signe contraire dans d'autres fils isolas, placés près du premier.

— Un mémoire fort intéressant sur les travaux de Ch. Wheatstone et ses télégraphes électriques, septembre 1843.

— Des traductions des ouvrages de Ohm et de Zantédeschi sur le magnétisme et l'électricité, suivies de discussions personnelles sur la théorie de la pile et de ses effets électriques, juin 1841.

-- Il a publié en 1833, 1856 et 1860, trois mémoires sur la possibilité de transmettre simultanément, dans un seul fil de ligne télégraphique, deux dépêches en sens contraire, sujet où il s'est rencontré avec d'autres inventeurs.

— Enfin un grand nombre d'autres notices.

   Il a inséré dans les Mémoires de la Société de physique : deux mémoires sur la polarisation de la chaleur atmosphérique, 1849 et 1851 ; un travail intéressant sur la conductibilité électrique des minéraux, 1851, etc.

   Dans les Archives des sciences delà Bibliothèque universelle : Un mémoire important sur les courants électriques dans les végétaux, Bibl. univ. Sciences, t. XII, p. 301 à 350, et plusieurs autres notices sur des sujets variés de l'électricité et du magnétisme, de la chaleur, etc.

   M. Wartmann était membre correspondant de l'Académie de Turin, de celle de Naples, et de plusieurs sociétés savantes. A la suite de son utile participation aux délibérations des jurys à diverses expositions internationales, il a été nommé successivement : officier de la Légion d'honneur, 1881; commandeur de l'ordre espagnol d'Isabelle la Catholique, 1882 ; officier de l'ordre de la Couronne d'Italie, 1885.

   A ses incontestables mérites, comme savant, comme professeur, comme homme dévoué aux progrès des arts et de l'industrie genevoise et au succès de plusieurs institutions libérales, utiles ou honorables pour notre pays, M. Wartmann joignait de nobles qualités du cœur et de l'esprit ; d'une piété sérieuse et éclairée, on ne trouvait chez lui aucune tendance au sarcasme et au dénigrement, il accueillait avec politesse et affabilité les plus modestes, les plus simples des artisans qui lui demandaient des éclaircissements ou des conseils.

   Enfant du pays et élève de notre Académie, il y avait puisé les sentiments traditionnels de bienveillance entre collègues et de dévouement à toutes les institutions utiles nationales.

   Il possédait le don d'une conversation nourrie et intéressante et une amabilité de caractère qui le faisait rechercher et aimer. Il laissera dans le cœur de ses élèves et de tous ceux qui l'ont bien connu, de précieux souvenirs et un bel exemple de libéralisme conséquent et sincère.

   Comme citoyen et homme public, M. Wartmann avait des qualités inappréciables, et, comme homme privé, son caractère droit, aimable et bienveillant lui conciliait l'affection et l'estime de tous ceux qui, en Suisse ou à l'étranger, avaient eu des rapports avec lui. D. C.

 

(1) Cette notice, d'un très grand intérêt, à laquelle M. Wartmann avait travaillé avec conscience et impartialité, et qu'il se préparait à republier prochainement avec plus de développement, devrait être connue de toutes les personnes qui s'intéressent au progrès des arts et de l'industrie à Genève. (2) Voir le remarquable résumé de M. Alphonse de Candolle, intitulé : « Adresse au public genevois à l'occasion du centième anniversaire de la Société des Arts, » 1876. Genève, imprimerie Schuchardt

 

Bibliographie:
Bâtir la campagne, Leila El-Wakil-1989
Histoire du temple de Versoix, J.-P. Ferrier

L’éclairage électrique du premier phare des Pâquis : une douce illusion – Du côté du MHS (ducotedumhs.ch)
Divers sites internet

 

 
 


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