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DE VERVILLE François (1556-1626)

François Béroalde de Verville est un écrivain français né le 15 avril 1556 à Paris et mort en octobre 1626. Fils de Mathieu Brouard, dit Béroalde, théologien et écrivain français, et de Marie Bletz, la nièce du théologien François Vatable. Son père, après avoir été évêque, avait embrassé le calvinisme. Son enfance se déroule sans faits notables jusqu'en 1562 où, alors que la famille fuit les massacres religieux de Paris, sa mère meurt de la peste. La famille reste en France jusqu'à la Saint Barthélemy, en 1573, avant de fuir pour Genève. Là, Mathieu Béroalde, devenu ministre de l'Évangile, tient une pension où il dispense une éducation à la fois religieuse et humaniste, avec notamment pour élèves Pierre de L'Estoile et Agrippa d’Aubigné. Ce milieu sera très favorable à l'éveil culturel de François Béroalde, qui part ensuite à Bâle où il apprend l’horlogerie et l’orfèvrerie. Il étudie ensuite la médecine, et on suppose que c'est également à cette période de sa vie qu'il s'initie à l'alchimie. À la mort de son père, le 15 juillet 1576, il décide, à 27 ans, de retourner à Paris. Renonçant à tout son héritage au profit de ses deux sœurs Anne et Renée, il fréquente alors le cercle de Pierre de l'Estoile, audiencier à la chancellerie, et se convertit au catholicisme. Il publie son premier ouvrage : Appréhensions spirituelles.
 

En 1589, il suit Henri III, chassé par la Ligue, dans son exil à Tours. N'ayant plus de mécènes il survit en traduisant des ouvrages dont La Constance de Juste Lipse et une partie de La Diane de Montemayor. Sa fidélité au roi lui vaut le titre de chanoine de la cathédrale Saint-Gatien le 5 novembre 1595. Sa sécurité financière étant assurée, il va commencer à produire la majorité de son œuvre. En 1600, il écrit la Serodokimasie, à la demande du roi Henri IV, et devient très proche du cercle des médecins paracelsiens qui l'entourent. Il écrit ensuite plusieurs ouvrages, dont le plus connu est son Moyen de parvenir, imprimé en sous le titre de Salmigondis, ainsi que sous celui de Coupe-cu de la Mélancolie, ou Vénus en belle humeur.

En voici un passage qui traite de Versoix: ( …) J’aimerais autant les habitants de Versoy, du temps que la paroisse était de l’Evangile, lesquels avaient un ministre qui sans cesse leur reprochait leur ignorance et indécence de mœurs, leur reprochant qu’il n’y avait ni rime ni raison en leurs affaires et si souvent leur tint ces propos qu’il en devint fâcheux: tellement que la visitation étant ils demanderent un autre pasteur, et ce avec grande instance, disant que cestui là leur estoit insuportable. Le consistoire averti, tant de la simplicité de ce peuple, que de la façon du ministre trop rude pour agreer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut adverti. Cestui-ci les prescha quelque temps par essay; puis pour l'establir absolument il fut question d'assembler les habitans, pour sçavoir si ce nouveau venu leur seroit agreable. Ce qu'estant fait, et un de la compagnie des habitans estant delegué pour parler au ministre, et lui faire trouver bon qu'il demeurast, lui dit; Monsieur, vous estes agreable à tous nous autres, tant pour ce que vous estes bel homme, que principalement à cause qu'il n'i a ni rime ni raison à tout vostre fait(…)

Nous allions à une diette en Souisse, et lors j'estois avec Milor Bachon, lequel le Baron de Tierci, pource que baccon à Geneve signifie du lard, le nommoit monsieur du lard; comme nous soupions je donne à nostre Prelat d'alors une teste de poulet, et par honneur j'en presente une fendue de mesme au Baron de Kitlitz Alemand alquemiste: il me cuida humer la veuë avec les yeux et manger le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé sans cervelle: Ce ne fut pas tout,on n'i ose demander de malvoisie, c'est àpropos de la moruë rouge d'Ablis, les femmes des pescheurs de Versoy estoient allees à Geneve, qui est le Paris de ce pais là, c'est pourquoy le Duc de Savoye la voudroit avoir pour faire le Roy; elles y avoient porté leur poisson qu'elles vendirent fort bien, aussi estoit - il jeusne, et de fait on s'escrime de jeusnes en ce païs - là avecun baston à deux bouts, et disent que de se frotter d'une peau de jambon sans la savourer est plus meritoire que se creverde poisson. Ces femmes avoient fait grand gain, pource que desja on surfait la marchandis een ce païs - là, et des Alemands avoient acheté leur denree à leur mot à beaux quarts contans, sans l'autre monnoye.
Ceste joye fut cause qu'elles s'acorderent de bere in peu de malvesia, et allerent en un cabaret pres la'Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour de l'argent, cela s'entend aussi bien qu'à Rome; qui a nez pour sentir qu'il flaire.
Elles s'en trouverent si bien qu'en cet aise elles redemanderent de ceste bonne liqueur, ce qui fut tant poursuivi qu'à la fin et gain et fond tout y alla, et encores quelque bague d'argent à six tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goust et les vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien; ainsi gayes et gaillardes elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, et trouvé un endroit de belle verdure ( c'estoit en Esté ) elles s'aviserent de dormir un petit, qui dura jusques à presque Soleil couchant, qu'une se resveilla, qui resveilla les autres. Ceste premiere encore toute estourdie avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant boire, elle s'escria:ô Di comera la'Guerneta, vede vo le gro lizard ver; de cela les autres espouventees se leverent, et toutes ensemble comme ceste là, à belles pierres se mirent à lapider cette bouteille, et la bouteille se cassant elles disoient l'oyant casser, les ous se cassent; et puis l'huile espandu disoient, c'est le velain qu'il rend, vees comme il mode. Depuis ce temps - là, la malvoisie a esté à si bon marché, que qui en demande à Versoy en a pour soy, et pour sa chatte du beurre frais."


 

 
 


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