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CARMELIE

La campagne « Carmélie » située au bas de la route des Fayards s'étendait jusqu'à la route de Suisse. Ella été coupée en deux lors de la construction de la voie de chemin-de-fer en 1858. Elle était la propriété de Paccard-Trautteur qui fut conseiller municipal et député. Leur fille aveugle, qui en hérita, l'a donnée à l’Eglise catholique qui en a fait une maison de retraite pour des ecclésiastiques âgés ou malades. Plusieurs prêtres ont séjourné à la villa « Carmélie » parmi lesquels Mgr Etienne Ruche (1856-1946), Mgr Eugène Petite (1866-1944).

Dans les années 1930, les fillettes du quartier aimaient aller trouver Mélanie, la gouvernante, quand elle s’occupait des fleurs dans la serre. Elle permettait aux enfants de nettoyer les pots de fleurs et d’observer les escargots qu’elle élevait pour Monseigneur « qui en était friand ».

L’abbé Albert Morey fut le dernier résident de la villa « Carmélie », avec sa fidèle gouvernante Séverine. Au décès de ce dernier, le bâtiment fut vendu.

Georges Savary

 La cueillette des marguerites vers la villa Carmélie, en 1934. photo APV

Mgr Etienne Ruche, ancien Vicaire Général de Genève, Chanoine honoraire de St-Maurice et de Fribourg. Son très grand âge faisait de ce vénérable vieillard un égaré dans notre temps, et son nom dira peu à la génération présente. Il fut pourtant l'un des prêtres les plus estimés du clergé genevois dans une époque précédente. Né le 13 avril 1856 à Chêne, petite ville entre Lac et Arve, il connut dans sa jeunesse les déchirements des luttes politiques et religieuses qui divisaient le pays et qui atteignaient dans sa commune une acuité particulièrement violente. Ordonné prêtre en 1879, il devenait, dix ans après, curé de Compesières, paroisse de la campagne genevoise où, près d'une vieille église et d'un vieux château qui fut jadis une commanderie des chevaliers de Malte, les catholiques s'étaient groupés et affermis en face de leurs adversaires. Peu à peu, cependant, les meilleurs esprits désiraient clore l'ère de la persécution et restaurer la paix religieuse. Un prélat genevois, Mgr Déruaz, d'abord curé de Lausanne, puis évêque de Lausanne et Genève, se rencontrait dans ces aspirations avec le conseiller fédéral Ruchonnet et travaillait avec lui à ramener la concorde, non seulement dans son diocèse, mais aussi dans celui de Bâle et au Tessin. A Genève, M. Ruche eut l'occasion de rencontrer pareillement Georges Favon, chef du parti radical, et de le convaincre que les catholiques étaient d'aussi fidèles et d'aussi bons patriotes que quiconque, et qu'ils n'aspiraient qu'à jouer leur rôle de citoyens dans la liberté et la loyauté. Cette rencontre mémorable devait ouvrir la voie à un rajustement de la situation religieuse à Genève ; elle marqua certainement une étape dans l'abandon du Kulturkampf et le retour de la paix spirituelle. En 1901, M. Ruche fut appelé à succéder comme curé de Carouge, l'ancienne petite ville sarde de la Rive gauche, 28 à l'abbé Taponier, dont une courte biographie a été publiée récemment par le professeur Bouchardy, et qui avait joué un rôle considérable dans le même sens que les Déruaz, les Ruche, les Carry. Eugène Carry fut en effet un remarquable vicaire général de Genève, un esprit extrêmement éclairé et équilibré, un artisan de la paix confessionnelle ; c'est son action, notamment, qui permit de faire aboutir la loi de 1907, œuvre de liberté et de justice religieuses, et qui contribua ensuite au retour des catholiques à Notre-Dame en 1913. Mais à ce moment même, M. Carry était emporté par la mort. Mgr Bovet, évêque de Lausanne et Genève, choisit alors M. Ruche pour son représentant à Genève. Mgr Ruche n'était pas un inconnu en Valais. Comme son prédécesseur, il fut un ami de l'Abbaye de St-Maurice, dont le Chapitre le nomma chanoine honoraire le 23 janvier 1913 ; ce fut, ce jour-là, une promotion importante, puisque l'Abbaye nommait en même temps chanoine d'honneur Mgr Esseiva, prévôt de Fribourg, et chanoines honoraires MM. Ruche, vicaire général de Genève, Bègue, curé de Montreux et ancien chancelier de Mgr Déruaz, Braun, curé-doyen de St-Ursanne, et Delaloye, curé de Massongex, devenu depuis vicaire général de Sion, heureusement toujours présent parmi nous. Le camail rouge de St-Maurice était d'autant plus apprécié qu'à cette époque Sion ne possédait pas de chanoines honoraires et que le Diocèse de Lausanne et Genève n'avait même pas de Chapitre cathédral. C'est sans doute pour marquer sa gratitude, que le chanoine Ruche prêcha à St-Maurice, le 22 septembre 1913. Il y devait revenir bien des fois, tant que la santé le lui permit, et, quand ce ne fut plus possible, il continuait encore à s'y intéresser, par ses lectures et dans ses prières. En 1925, lorsque la vieille collégiale de St-Nicolas de Fribourg fut érigée en cathédrale, Mgr Besson tint aussi à donner à Mgr Ruche un témoignage de son estime, en le nommant chanoine de sa nouvelle cathédrale. Depuis 1917, Mgr Ruche s'était retiré à Ecogia (puis à la villa Carmélie. Histoire de la paroisse catholique-romaine de Versoix, Jean-Pierre Marquis 2005), petite localité au-dessus de Versoix, où l'Abbaye de St-Maurice eut quelques droits au Moyen Age. Il s'y trouve aujourd'hui, par la munificence de la famille Girod de l'Ain, une importante maison d'éducation catholique, pensionnat et orphelinat : c'est là que le bon « Monsieur Ruche », comme l'on disait simplement, se dévoua comme aumônier pendant plus de vingt ans, jusqu'au jour où le poids des années le contraignit à se retirer tout à fait dans la Maison de Notre-Dame de Compassion, aux Pâquis. C'est là qu'il s'est préparé patiemment à la mort, c'est là qu'il s'est doucement endormi dans la mort.

Dans Echos de Saint-Maurice, 1946, tome 44, p. 28-31

La villa Carmélie. Son entrée a été déplacée lors des travaux de la troisième voie CFF, et le rehaussement du pont.
La villa Carmélie au début du XXe siècle


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