SAINT-LOUP (Domaine de)
L ‘origine de Versoix est ancienne car on a retrouvé sur l’emplacement du château et de la gare les restes d’une villa romaine avec inscriptions antiques et des aqueducs. Au cinquième siècle, l’Empire romain allait s’effondrer sous les invasions barbares, vers l’an 443, les Bourguignons et les Burgondes pénétrèrent dans notre pays et pendant plusieurs siècles, on ignore ce que devint Versoix. Versoix réapparaît dans l’histoire au début du XIe siècle. C’est en 1022 que l’on mentionne pour la première fois «VERSOI» comme nom d’un château situé sur le coteau de Saint-Loup, dans un acte concernant la propriété de l’abbaye de Saint-Maurice, acte approuvé par le roi de Bourgogne Rodolphe. Versoix fait alors partie du deuxième royaume de Bourgogne (888-1032) de la dynastie bavaroise des Rodolphéens. Par cet acte, nous apprenons donc qu’au début du XIe siècle Versoix possédait un château et que le domaine d’Ecogia était constitué. Au début du Xème siècle, le roi Rodolphe II vint habiter le château de Saint-Loup car c’est là que se forma tout d’abord l’agglomération et non sur les bords du lac. Il existait une chapelle dans cette résidence, relevant du diocèse de Genève, d’après la Bulle d’Alexandre III du 18 juin 1177. Elle devint la propriété de l’hospice du Saint-Bernard en 1191, selon transaction faite à Thonon entre Nantelme, évêque de Genève, et le couvent. Le nom d’un de ses curés Anselme de Saint-Loup est porté comme témoin dans un acte du 18 janvier 1205. Cette possession dépendait de l’ancien fisc royal de Commugny. "Le 30 octobre 1257, l'abbé Nantelme [Nantelmus] et l'Abbaye cèdent et remettent par échange à Pierre de Savoye [Savoie], leur advocat, leur maison de Cumignié [Commungny], au diocèse de Genève, avec tout ce qu'ils ont rière la parroisse de Saint-Loup et à Versoye [Versoix] [D'une autre main: Versoia], avec tous droits de jurisdiction et autres, pour et contre la rente annuelle et perpétuelle de 25 livres assignées par ledit Pierre, savoir 12 livres sur son droit de reçu à Bex et 13 livres sur celui qu'il a à Orsier [Orsières], diocèse de Sion, mandant à son châtelain de Chillon, etc." L’an 1268, Agnès de Faucigny, veuve du comte Pierre, lègue Versoix à son frère utérin Simon de Joinville, seigneur de Gex, sous la condition de construire en sa mémoire une église au nouveau bourg. Elle fut dédiée à Saint-Théodule et était une dépendance de l’église paroissiale de Saint-Loup. Versoix fut entièrement détruit en 1282 par un siège et en 1302 par un incendie. La Bulle d’Honorius IV du 11 juin 1286 confirme les droits et privilèges de l’hospice du Grand-Saint-Bernard sur diverses églises et propriétés au diocèse de Sion et Genève ; au nombre de ces dernières Sancti-Luppi de Versoya. En ce qui concerne la paroisse on a souvent confondu l’église de Saint-Loup hors les murs et la chapelle Saint-Théodule dans les murs de Versoix. La visite épiscopale de 1412 ne concerne que l’église de Saint-Loup qui menace ruine. Dans le Pouillé du diocèse genevois du XIVe siècle, Versoix figure sous le numéro 245, au nombre des paroisses imposées pour visites épiscopales, à une contribution de 40 livres. En 1481, la visite débute par la chapelle Saint-Théodule dans les murs, annexe de l’église paroissiale. Il est dit que comme l’église paroissiale est trop éloignée, on a transporté les fonds baptismaux, le saint sacrement et presque tous les ornements ; on doit y faire un reliquaire pour les reliques de Saint-Loup. Le droit de présentation appartenait au duc de Savoie. En 1518, la situation réciproque des deux lieux de culte reste la même, mais une autre chapelle dédiée à Notre-Dame se trouve dans l’hôpital du bourg. Le cimetière est maintenu à Saint-Loup et ne fut abandonné qu’en 1536 au moment où le pays de Gex fut occupé par les Bernois. Le 13 octobre 1602, Jean Savyon, seigneur conseiller de Genève, est propriétaire du domaine et amodie son battoir à papier de Saint-Loup à Maurice, fils de feu Jean Gallopin, de Thoirier, pour la somme de 500 florins l’an. C’est la première location connue de la papeterie Savyon. En 1766, un seigneur romain, Jules Sachetti, marié à Anne Magdelene Azan de la Ciottaz, habitait le château. Le 29 mai 1768, Léonard Racle, ingénieur responsable de la construction du port, et le sous-ingénieur sont logés à St Loup. L’espion de Berne, Du Chastel, en informe le gouvernement bernois : « …ils travaillent ensemble dans le cabinet à de nouveaux plans qu’ils ne laissent voir à personne. Ils ont fait sonder le terrain du côté de bise à Versoix. L’on y a trouvé une glaise bleue et le sol est très propre à la construction du port. Ils ont fait planter à 30 ou 40 toises en avant dans le lac deux perches qui doivent marquer son entrée. Ces Messieurs attendent journellement M. de Bouset pour arrêter définitivement son emplacement. » Quelques années plus tard, en 1776, Jaques Bâcle acquiert le domaine de Saint-Loup. Il est né le 20 janvier 1733 à Genève, baptisé le 23 janvier à Saint-Pierre. Fils de Jean-Jacques Bâcle, perruquier, neveu de l’ami de J.-J. Rousseau, et Marie Chenevière. Il épouse Marthe De Ray le 20 octobre 1796. Son fils, César Hyppolite Bâcle est né le 15 février 1794 à Saint-Loup, il est mort à Buenos-Aires le 4 janvier 1838. Il se marie en 1816 avec Andrienne Pauline Macaire, peintre miniaturiste. « Bâcle y Cia, en la casa que habitan, calle de la Victoria N° 148, habiendo formado un establecimento de litografia y pintura, espescialemente para retratos, de todas clases, en miniatura y al oléo, asi como para impresion de letras de cambio, precios corrientes, circulares, tarjetas, etc. » Bien que la lithographie soit connue à Buenos-Aires pour la première fois dans les années 1824-27, par le mérite de John Q. Beech et Juan B. Douville, Bâcle peut être considéré avec justice comme l'introducteur dans sa forme définitive de cet art en Argentine. Il édite "Trages y Costumbres de la Provincia de Buenos Aires" qui connaîtra un énorme succès. Cet album de lithographies et les aquarelles d’Andrienne Macaire sont malheureusement très rares aujourd’hui. Il reste quelque 800 numéros de ses collections botaniques, conservés à Genève. Le 13 août 1816, Simon Rath, fils de Jean Louis Rath et de Sarah Alexandrine Rolland, achète le château de Saint-Loup à Balthasar Dupin agent de change à Genève. Lieutenant-général dans l'armée de S.M l’Empereur de Russie, Rath meurt à l’âge de 40 ans. Grand amateur d'art, Simon Rath lègue à ses deux sœurs, Jeanne-Françoise et Henriette, la somme de 182 000 florins (84'000 francs) pour la construction d'un musée des beaux-arts. Toutefois, le legs ne suffit pas à couvrir tous les frais inhérents à l'édification et l'État s'engagea à participer financièrement à ce projet. Grand voyageur, il quitta la France vers 1792, passa aux États-Unis et visita diverses contrées de l’Amérique septentrionale. Il alla plus tard en Grande-Bretagne, rentra dans sa patrie au commencement de la Restauration, et publia son Voyage en Angleterre, dont il présenta un exemplaire à Louis XVIII, en 1817. Malgré quelques inexactitudes reprochées à l’auteur, son ouvrage fut accueilli favorablement et lui mérita même des éloges. Tableau très complet de l'Angleterre sous l'Empire : les institutions (politiques, judiciaires), l'industrie et le commerce (mines, monnaies, banques, etc.), les transports, l'agriculture, les monuments, la culture (théâtres, musées, etc.) sont parfaitement décrits. On trouve également dans ce voyage quelques anecdotes savoureuses : le récit d'un combat de boxe, la cuisine anglaise ou la description d'un hospice de fous. Le public était alors avide de renseignements sur l’Angleterre, dont une longue guerre avait interrompu les communications avec la France. On lui doit également deux autres titres : Voyage en Suisse fait dans les années 1817, 1818 et 1819 suivi d’un essai historique sur les mœurs et coutumes de l’Helvétie ancienne et moderne. Cet ouvrage offre une double approche de la Suisse. Le premier volume n’est pas qu’une simple relation de voyage pittoresque, mais plutôt une approche de « reporter » sondant les mentalités et préoccupé à saisir les constitutions politiques des contrées traversées. Le discours ne manque pas d’anecdotes et de piquant (parlant de Fribourg) : "C’était jour de foire lorsque j’y suis arrivé; l’aspect des rues encombrées d’une foule bruyante et causeuse d’acheteurs et de vendeurs, d’oisifs, de mendiants et de moines ; la saleté des maisons, les madones, les crucifix colossaux, rappelaient l’Italie. Cette ville est tellement sur la ligne de démarcation des patois français et allemands, qu’une moitié entend à peine l’autre(…) Les Fribourgeois les plus instruits s’avouent en arrière du siècle, mais se consolent en remarquant "Que l’on est encore plus bête à Soleure". Après diverses occupations temporaires, Gaillard, Auvergne, Colcombet, Flavian, ce sont les Borsat d’Hauterive qui viennent habiter Saint-Loup. En date du 2 octobre 1850, Monsieur Gaspard Marie Borsat d’Hauterive vend le domaine de Saint-Loup à Madame Charlotte Emilie Sivard de Beaulieu, veuve de M. le baron Amédée Girod de l’Ain. La propriété consiste alors en un château, bâtiments rustiques et de dépendances et huit parcelles d’un total de quarante hectares quatre vingt deux ares deux mètres de diverses cultures.
Du manoir primitif il restait en 1871, selon Fontaine-Borgel, une tour ronde et une tour carrée. Le corps principal devait dater d’une soixantaine d’années En 1874, François Louis Conty fait construire une grande pièce d’eau dans le parc de son château. Pour alimenter la fontaine, il canalise une source coulant sur la rive droite de la Versoix, et en achemine l’eau vers un réservoir d’accumulation au moyen d’une puissante pompe actionnée par la rivière. Le chef jardinier allait à la Tourne le matin et le midi pour graisser la machine et le soir pour fermer l’eau. Fervents catholiques, Monsieur et Madame Conty recevaient les personnalités de l’époque, Mgr Mermillod et l’abbé Battiaz étaient des habitués du château. Pendant la période du Kulturkampf, les offices religieux réunissaient les fidèles dans les chapelles de Saint-Loup et d’Ecogia. Vers 1910, Versoix disposa enfin d’un corbillard attelé d’un cheval, ce véhicule lui fut offert par M. Conty. En 1952, MM Vecchio décidèrent de se défaire de Saint-Loup et c'est à Louis Ernest Schneiter, administrateur de société, qui en devient acquéreur. Les bois allant de la Versoix à la route des Fayards sont alors vendus au canton, la Grande Ferme à M. André Serex. Quant au château et la magnifique parcelle de terre sur laquelle il se situait et qui s’étendait jusqu’au chemin de Dessous-Saint- Loup, il fut cédé à un promoteur immobilier du canton de Vaud. Celui-ci procéda au morcellement des terrains. Il nous reste aujourd’hui les témoignages des familles Piccot et Girard, qui furent respectivement les fermiers et les jardiniers du domaine, pour nous imaginer la vie au Château de Saint-Loup pendant les dernières années de son existence. Georges Savary Bibliographie: Archives Association Patrimoine Versoisien |
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