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CHEMIN DU SETIF

Les noms des chemins changent parfois au fil du temps. C’est le cas du chemin du Sétif dont il est fait mention dans les Registre des délibérations du Conseil municipal lors de sa séance du 28 mai 1891, « Monsieur Sauty signale le mauvais état du chemin du Sétif et demande le rétablissement de la largeur complète de ce chemin suivant le bornage.

Extrait du Registre des délibérations. Archives municipales Versoix

Où ce chemin se trouvait il et pourquoi ce nom ; était-ce une dénomination officielle ou une appellation locale ? Nous ne trouvons pas d’indication de cette voie sur les plans du cadastre.

Une première hypothèse se profile : Henry Suter, sur son site Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs, indique ce qui suit à l'entrée « Sétif » : « Le Sétif, maison isolée de la commune de Grancy (District de Cossonay, Vaud), peut-être une cacographie [graphie erronée] de Chétif. »

Plusieurs mentions faites à l’occasion des adjudications de travaux de remise en état des voies communales, à la fin du XIXe siècle,  (...) chemin de Braille et du Sétif et de l'Etraz depuis la route de Sauverny à la frontière vaudoise) nous permettent de le situer de la route de l’Etraz au chemin des Trésans, traversant le bois de Peny, en direction de Mies: Actuellement renommé chemin de la Bécassière, ce tracé permettait de se rendre à la ferme du domaine de Veytay sur la commune de Mies.

 le chemin du Sétif devenu chemin de la Bécassière

Deuxième hypothèse: Les recherches sur l’origine de Sétif nous ont amené à Versoix-la-Ville. Jean Hubert Saladin, propriétaire du domaine de Montfleury, fut colonel suisse attaché à l’Etat-Major du général Clauzel en Algérie. En 1836, il lui vint l’idée d’une immigration dans ces contrées fertiles, d’habitants de la Suisse surpeuplée. C’était selon lui, le seul moyen de porter un secours efficace aux habitants pauvres de notre pays. 

En 1838, une « Compagnie Hubert Saladin » est imaginée, dotée d’un capital de 100 millions de francs pour établir des compagnies capitalistes suisses en Algérie. En 1852, Paul-Elisée Lullin et François Auguste Sautter de Beauregard vont concrétiser cette intention. Ils envoient au général de Saint-Arnaud, secrétaire d’Etat à la guerre, une requête dont le ministre informe le prince-président Louis Napoléon en ces termes :

« Sire, une Société, composée de propriétaires et de capitalistes genevois, offrant au gouvernement les meilleures garanties de moralité et de solvabilité, sollicite la concession de 20000 hectares de terre aux environs de Sétif, pour y fonder des villages qui seraient peuplés de familles originaires de Suisse. C’est la première fois que des capitaux privés se présentent pour concourir d’une manière sérieuse, et sur une large échelle, à l’œuvre de la colonisation ».

En avril 1853, un décret impérial officialise la concession de terres à la Compagnie Genevoise des colonies suisses de Sétif. A cette époque, à Sétif, il y a déjà une trentaine de Suisses. Un titre de concession est accordé à Monsieur Jean-Auguste Dahmen, originaire de Versoix, pour une parcelle de vingt hectares, dix neuf ares, six centiares à Aïn-Arnat.

Journal de Genève 28 janvier 1854

Parmi les financiers de cette affaire, plusieurs d’entre eux résidaient à Versoix ou y avaient de la famille. Charles Vernes, Jacques-Marie Mirabaud, Ami Bordier, Jules Darier, Louis-Paul de Stoutz, Jakob Bouthillier de Beaumont et François Bartholony qui était un proche de Napoléon III. Etait-ce une raison de  donner ce nom à un chemin?

Une autre personnalité fait ses débuts dans les affaires. Henry Dunant visite, au nom de la Compagnie genevoise des colonies suisses dont il est le représentant , l'Algérie la Tunisie et la Sicile.  Malgré de faibles résultats concrets, il conduit les affaires de ses donneurs d'ordre avec succès.

En 1856, il fonde une société coloniale et, après avoir obtenu une concession de terres en Algérie, met en place deux ans plus tard la Société financière et industrielle des moulins de Mons-Djemila. En 1864, toutes ses entreprises périclitent et le conduisent à la faillite.

La Compagnie Genevoise des colonies suisses de Sétif est une entreprise qui a duré un siècle et qu’il faut placer dans le contexte historique qui fût le sien.  La Compagnie n’a pas rempli ses engagements, elle s’est elle-même limitée dans son projet.

En 1958, avant l'indépendance de l'Algérie, la Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif fit l'objet d'une expropriation du gouvernement français. Rachetées aux derniers colons, les terres furent redistribuées aux indigènes, tirant le voile sur un épisode rarissime de colonisation suisse.

Journal de Genève, 31 mai 1854

Georges Savary, novembre 2023

 

Pour en savoir plus :

La Compagnie genevoise de Sétif, Roger Vétillard

La Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif (1853-1956) Claude Lützelschwab

Swisstopo

Mies à l’écoute de son passé, Bernard Barbeau

 



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