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LES DERNIERES LOUTRES DE LA VERSOIX

Au mois de septembre 1887, la presse locale informe ses lecteurs que M. Debourgogne, fermier au domaine de Saint-Loup, a tué près de Versoix, une magnifique loutre. C'est la douzième que le même chasseur a tuée depuis quelques années dans les environs de cette commune et la troisième qu'il abat cette année.

 

                                                     

                                 La Loutre , de profil et de face. : dessin / De Seve 1751. B.N.F.

Il faudra encore quelques mois pour qu’une loi fédérale de 18881 encourage la chasse et le piégeage en vue d'exterminer cet « animal nuisible ». Ce fut un succès en son genre, puisque jusqu'en 1900 l'on paya 120 à 140 primes par année. Le canton de Vaud paie très bien. C'est ainsi qu'en vertu de l'art. 23 de la loi sur la chasse, il est donné aux porteurs de permis et aux personnes dûment autorisées, pour la destruction des animaux nuisibles, des primes de 40 fr. pour chaque loutre adulte et 20 fr. pour chaque jeune loutre, le tableau diminua ensuite jusqu'à devenir nul vers 1948 ... le but était atteint ! Parfois, cependant, c’est le chasseur qui était la victime, comme Ernest R. 49 ans, agriculteur à Yvonand, qui avait été blessé de deux coups de fusil reçus en plein visage au cours d'une chasse à la loutre, et qui a succombé à l'infirmerie d'Yverdon.

Un braconnier dénommé Rolla2 se vantait d’avoir tué la dernière loutre de la Versoix, à la Bâtie. En souvenir de la présence de cet animal, le nom de chemin de la Loutre a été donné à une route qui part du bord de la Versoix à La Bâtie, et qui rejoint le chemin des Rouvières à Richelien.

En 1952, une nouvelle loi vint protéger la loutre, mais un peu tard : il ne restait guère que 40 à 60 individus dans le pays, selon un recensement. Même si les dispositions de sauvegarde sont scrupuleusement observées, il y a deux autres menaces qui, tout aussi sûrement, chassent l'espèce des cours d'eau. D'abord les barrages, les endiguements et les corrections qui fabriquent des rives artificielles sans aucun attrait pour la faune. Puis surtout la pollution des eaux, qui décime les poissons: que ceux-ci se raréfient, aussitôt la loutre disparaît.  GS

1Paul Géroudet, Journal de Genève 28.12.1968

2selon Marcel Lacroix



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