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LE CHOLERA A VERSOIX

C’ETAIT EN 1884, LE CHOLERA ARRIVE A GENEVE

En 1884, Marseille subit sa cinquième et dernière pandémie de choléra. La maladie bactérienne arrive à Toulon par le bateau La Sarthe en provenance de Saïgon, gagne ensuite rapidement les cités de Marseille et Arles. Elle provoqua 1777 décès dans la ville. 

A Genève, six détenus de la prison de Saint-Antoine succombent à la maladie et une femme décède à Versoix. C’est l’histoire de ce dernier drame qui nous est racontée par Madame Tilla Bordier. 

" Versoix a revêtu une assez grande importance, heureusement éphémère ; un cas de choléra s’étant déclaré sur son territoire.
Monsieur de Possel, fabricant de savon à Marseille, avait loué, pour l’été, la villa de Madame Mussard-Melly. Son épouse contracta, probablement avant de partir, la maladie qui régnait à ce moment-là dans tous les ports de la Méditerranée. Ils quittèrent Marseille en toute hâte et prirent le train pour Versoix, espérant probablement y être mieux soignés que dans leur ville, où la peur de la contagion terrorisait les habitants. Tout alla bien jusqu’à Bellegarde, mais là, ils apprirent que tous les voyageurs devaient subit une visite sanitaire à la gare Cornavin ! Désirant avant tout arriver au but de leur voyage, et au plus vite, ils s’entassèrent tous dans une voiture qui les amena dans la maison louée par eux.

                                                                                         

Il fallut bien, à ce moment, appeler le médecin qui était alors Le Docteur David. Celui-ci n’eut pas de peine à diagnostiquer le terrible fléau et il avisa la police de Genève. Seuls le médecin et Monsieur le Curé Battiaz eurent la permission de pénétrer dans la villa. Le concierge, Martin-Félix, marié depuis peu d’années, habitait la maison au portail, sur la place, et il fut nommé gardien de la quarantaine. C’était lui qui servait d’intermédiaire entre la rue, et la porte de la maison.

La malade mourut déjà le lendemain de son arrivée. La Société des Pompes funèbres de Genève donna une somme supplémentaire à ses employés et les envoya à Versoix faire le nécessaire. Là, qu’arriva-t-il ? Au dernier moment ils refusèrent, et le frère de la victime, le Comte de Lauriston, arriva chez Martin pour lui demander si il lui rendrait le service de mettre la défunte dans son cercueil. Il accepta mais avec la réserve de se faire aider par ses deux voisins, les frères Dumartheray. Bientôt l’accord est fait et la tâche accomplie avec respect. Martin reçu cinquante francs, dont il donna une partie à ses aides. On fit un trou dans le jardin, on y enterra le linge et les vêtements et on arrosa le tout de chaux vive.

La quarantaine fut encore observée pendant trois semaines : ce furent des journées un peu angoissantes pour le village et pour le ménage Martin. Madame Martin, un jour se crut atteinte… elle avait oublié que c’était la saison des prunes ! Pendant ce temps, Monsieur de Possel offrait du rhum comme antidote à son valet de chambre et au gardien de la quarantaine : ils se « soignèrent » avec conscience et Martin a encore les yeux tout brillants lorsqu’il raconte cette régalade ! Il avait vingt-sept ans et lorsqu’il alla prendre congé de son maître, au moment de partir pour un service militaire, ce dernier lui donna encore cent francs. Le Versoisien avait accompli tout son devoir et le Marseillais sut, par son attitude, montrer toute sa reconnaissance. Quand au Docteur David, qui avais pris à temps les mesures nécessaires, il eut la reconnaissance de toute la population."

La "Vieille Maison" de Versoix, Tilla Bordier, 1920



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