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LES LAITERIES à Versoix

A la fin du XIXe siècle, l’industrie est en plein essor. À la recherche d’un travail, les hommes et les femmes quittent les campagnes et se dirigent vers les villes. La population présente dans les villes augmente fortement, entrainant par la même occasion une augmentation des besoins en produits laitiers.

Pour répondre à cette demande, plusieurs laiteries furent créées par les agriculteurs dans les villages du canton afin de gérer leur production. Le lait était livré à La Laiterie agricole et la grande Laiterie centrale, fondée en 1889.

Publicité en mai 1910, Tribune de Genève

Leurs fondateurs avaient deux buts : améliorer les conditions générales du commerce du lait à Genève et faciliter aux agriculteurs la vente de ce produit. Ce double but a été atteint. Les laitiers de la ville ont dû suivre l'impulsion donnée par la Laiterie centrale et pour les fournisseurs de cet établissement du moins, le prix de vente pour les agriculteurs a été légèrement élevé. Elie Debourgogne, fermier à la ferme de St Loup gère la succursale de la laiterie centrale de Versoix jusqu’à son décès en 1913.

Lors de son assemblée du 11 janvier 1901, la Société de laiterie de Versoix nomme Auguste Mundinger comme membre du comité, Jean Cohanier est désigné comme président et Lucien Piccot comme vice-président.  Le Recensement du bétail par commune pour l'année 1918, effectué par le Département du Commerce et de l'Industrie nous apprend qu'à Versoix, 21 propriétaires possèdent un total de 82 vaches, 50 génisses; que 16 d'entre eux sont membres de la Société de laiterie de Versoix à qui il livrent leur lait. 

En 1911, la Laiterie agricole et la grande Laiterie centrale fusionnent pour donner naissance aux Laiteries Genevoises Réunies.Cette nouvelle laiterie s’installe au quartier des Acacias avec pour ambition de garantir la distribution de lait pour toute la population du canton. Cette vaste construction comprend un étage avec sous-sol et couvre une superficie de 4300 mètres carrés. L'architecte a su faire un édifice simple d'aspect mais élégant et pratique.

Photo site internet Laiteries Réunies Genève

Visite guidée

Le lait amené matin et soir de la campagne dans des récipients fournis par la société aux producteurs est, en arrivant à la laiterie, versé dans des filtrés spéciaux destinés à enlever toutes les impuretés qu'il pourrait encore renfermer après le premier filtrage chez le producteur. De ces filtres il coule directement dans une bascule à lait et une fois pesé on fait fonctionner une soupape pour conduire le liquide dans un grand bassin en cuivre étamé ; de là il est aspiré par une pompe spéciale au 1er étage où au moyen de deux grands réfrigérants sa température est abaissée à quelques degrés en dessus de 0 centigrade. Le lait redescend ensuite au rez-de-chaussée dans une chambre froide contenant six grands bassins en cuivre étamé d'une contenance de trois mille litres chacun ; la température de la chambre froide est maintenue très bas au moyen d'une machine frigorifique fournie par la Sté Genevoise d'Instruments de physique ; de cette chambre froide le lait sort dans le local de distribution au fur et à mesure des besoins.

Le service est organisé de façon à éviter les manutentions dans la mesure du possible ; tout se fait automatiquement et selon l'hygiène la plus stricte. Au premier étage nous trouvons le laboratoire muni de tous les instruments nécessaires à l'analyse au point de vue de la pureté et de la composition du lait car il est d'une importance capitale pour le consommateur d'éliminer immédiatement tout lait malade. Nous remarquons également dans le laboratoire un tableau qui nous montre combien le lait renferme d'impuretés et comme il est propre et blanc lorsqu'il est filtré. A côté du laboratoire il y a une grande salle réservée aux assemblées du conseil d'administration et la chambre du conseil de direction. Avant de descendre au sous-sol nous entrons dans la salle des réfrigérants dont les parois sont garnies de vitraux blancs ; ici la place est prévue pour la préparation et la mise en bouteilles d'un lait spécial destiné exclusivement aux bébés, service nouvellement créé. Nous voici au sous-sol où nous entrons d'abord dans la beurrerie. On y remarque d'abord une machine centrifuge pouvant écrémer deux mille litres de lait à l’heure ; c'est ici que tout le lait non vendu dans la journée est transformé en crème. Cette dernière est battue dans une énorme barrette le beurre obtenu passe ensuite sous un malaxeur avec retourneur automate ce qui. exclut tout contact du beurre avec les mains. Attenant à la beurrerie nous trouvons une immense chambre froide pouvant contenir 10.000 kilos de beurre. Nous entrons ensuite dans la fromagerie où deux grandes chaudières à fromage sont chauffées par la vapeur ; c'est ici qu'on fabrique entre autres le délicieux et renommé petit fromage dessert « Le Servette ». A côté de ce local il y a une grande cave à fromage avec des rayons bien garnis et pour tous les goûts. Plus loin en allant à la salle des machines un spacieux local porte l'affiche « entrée interdite » ; une indiscrétion nous fait apercevoir une chaudière spéciale et des centaines de flacons ; c'est ici que se prépare le yoghourt qui a pris grâce à ses qualités bienfaisantes une certaine extension. Nous terminons notre visite en jetant encore un coup d'œil dans la salle des machines où se trouvent une installation frigorifique complète donnant quarante-cinq mille frigories à l'heure une chaudière verticale destinée à fournir la vapeur nécessaire à l’exploitation ; divers moteurs électriques. En remontant nous traversons enfin un local où tous les récipients sont lavés à l'eau de cristal au moyen d'une machine actionnée par un moteur électrique ; aussitôt nettoyés les récipients sont passés sur une bouche à vapeur et rincés sur un puissant jet d'eau froide. La désinfection est complète. On ne peut qu'engager ceux qui s'intéressent à l'industrie laitière moderne à visiter ces nouvelles installations.

Les producteurs de lait vaudois proches de Genève rejoignent la coopérative en 1923. À cette occasion les « Laiteries Genevoises Réunies » deviennent les « Laiteries Réunies ».

Le dépôt des Laiteries réunies, au château des Chavannes,( route de la Branvaude)où les producteurs amenaient leurs boilles de lait matin et soir, qui ensuite étaient acheminées à la gare de Versoix.

 Cette photo datant de 1934, porte encore la raison sociale d’avant 1924. Photo APV

A Versoix, la « Laiterie Debourgogne » anciennement Laiterie centrale, qui a gardé le nom de son gérant, est située au 57 route de Suisse, elle est tenue par Roger Gentil qui vient de la Brévine. Il habite la localité depuis le 1er avril 1923, année de la reprise de la laiterie-épicerie-charcuterie d’un nommé Barthélémy Annen. Précédemment, il avait été engagé comme peseur de lait par la société fromagère de Mies-Tannay. Dans un  procès-verbal de la société, il est dit:"qu'il mène la société par le bout du nez. On décide de lui écrire une lettre. Après discussion, il ressort qu'il ne représente pas l'idéal d'un bon employé autant vis-à-vis des gens du village que des sociétaires. Le Comité l'invite à plus de courtoisie".

Le 23 janvier 1926, Léon Buffat rachète la laiterie. Il a travaillé comme fromager à la Société de laiterie de Corcelles-sur-Chavornay. Le certificat de travail le décrit : « … d’une conduite exemplaire, d’une grande activité et très propre dans son travail. La fabrication du fromage ayant été régulièrement classée en 1er choix, nous recommandons ce dernier à toute personne à laquelle il offrira ses services. » Dans la convention signée avec les Laiteries Réunies, il est convenu qu’il recevra la production de lait de la société de laiterie de Mies-Tannay. Il exploite son commerce avec sa femme Jeanne. Et comme le racontait Charles Ryser, " leur fils Gilbert, encore adolescent, apportait de l'aide à ses parents. Dès quatre heures du matin, il était sur les routes. Un vieux vélo militaire avec, accrochés au guidon, deux bidons de vingt litres de lait chacun, et sur le porte bagages une boîte de métal remplie de beurre et de crème (...) vers sept heures, il repassait le tout à son père, et fonçait à la maison avaler une tasse de café et une tartine et hop! à l'école, où il ne tardait pas à s'endormir sur son pupitre! D'où son sobriquet "Qui baille" .

 

Jeanne Buffat devant la laiterie, vers 1930. APV PHO332

Le rétablissement des Zones franches en 1933 étend l’espace économique autour de Genève et permet à la fédération de s’approvisionner en France voisine. De nouveaux producteurs français situés dans les Zones franches rejoignent la coopérative. Désormais les producteurs sont aussi bien suisses que français avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Gilbert Buffat, fils de Léon, épouse Edith Jeanmonod en 1941." Cette  jolie jeune fille aux cheveux auburn, arrivait tout droit du canton de Vaud pour travailler à l'épicerie Gugger". Ils reprennent alors le magasin qu’ils exploiteront jusqu’au 31 août 2011, après 70 ans d’activité.

Edith et Gilbert Buffat à l'occasion de leur 50ème anniversaire de mariage en 1991. APV

 

Annonce publicitaire dans le programme de la Fête de la Fédération musicale genevoise du 7 juin 1936 - APV Fonds Wurst

A une centaine de mètre de là, à la Rampe de la Gare, R. Kocher est le gérant de la Laiterie nouvelle qu’il remet au laitier Schneider vers 1938, le lait provenait alors de la société de laiterie de Sauverny- Chavannes des Bois. Le magasin prend alors le nom de laiterie de la Gare. En 1945, il la cède à Hermann Mülheim qui, après avoir étudié son métier à l'école cantonale de laiterie et fromagerie de la Ruti (canton de Berne) et à Villeret, choisit de s’installer à Versoix. Au milieu des années 1980, la laiterie est reprise par Noverraz, Le bâtiment sera ensuite transformé en agence bancaire.

La laiterie de la Gare Mulheim, vers 1980-APV

Les Laiteries réunies ont un magasin au numéro 36, route de Suisse. Vers 1930, le gérant est Henri Jaunin.  "Tous les matins à cinq heures, Il partait avec sa fille Andrée, le petit char jaune et le cheval. Un cheval superbe, roux avec une crinière et un queue blondes, presque blanches, des pattes fines comme un pur sang, ert surtout un caractère de cochon(...). 

En 1944 Jean Lutzelschwab est le nouveau laitier jusqu'au début des années 1950 où le magasin est transféré au numéro 40 de la même rue. La nouvelle laiterie est gérée par Albert et Marie Brasey qui l’exploiteront jusqu’au milieu des années 1960. 

Le cortège des promotions passant devant la nouvelle laiterie en 1951. APV

La création du berlingot en 1958 révolutionna l'emballage du lait. La bouteille en verre et le bidon métallique cédèrent la place à ce nouveau contenant qui supprima petit à petit la vente de lait en vrac.

Photos site internet Laiteries Réunies Genève

 

Une histoire de tradition - Laiteries Réunies Genève (lrgg.ch)

https://www.e-newspaperarchives.ch/

Georges Savary, décembre 2022

 

 



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