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Fric-frac à Montfleury

Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1841, un vol considérable et des plus audacieux a été commis chez M. Jean Huber-Saladin, à Montfleury.

Les voleurs, après s'être introduits par les caves de la maison, ont dévalisé un buffet d'argenterie dans un office, et enlevé tout ce que renfermaient les tiroirs de la salle à manger.

Les plats d'argent de différentes formes et grandeurs, ainsi que toutes les pièces d'argenterie, portant des écussons d'armes, et les services de table étant également marqués d'armes ou de chiffres, ne peuvent manquer d'attirer l'attention de MM. les orfèvres à qui ils seraient présentés.

Plusieurs circonstances de ce vol, exécuté à  de la chambre où couchait un domestique de confiance, ne permettant pas de douter que les voleurs n'eussent d'avance une parfaite connaissance des localités.

                        

 

ALPHONSE de LAMARTINE Photograph by Granger - Fine Art America

 

 

 

 

 

 

 

 

    Jean Huber 

    Elisa de Lamartine

 Jules Vernet - art auction records       Alphonse de Lamartine      

                                                                                                                                           

M. de Lamartine, qui était revenu pour quelques moments dans notre pays avec Mme de Lamartine, avait quitté Montfleury la veille.  Il avait profité de son séjour à Versoix pour passer à Lausanne, se rendant en bateau à vapeur sur la rive orientale du Léman.

 

Les anecdotes sur Lamartine remplissaient les journaux. En voici une qui a le mérite d'être amusante, si elle n'a pas celui d'être très vraisemblable :

A l'époque où Lamartine était ministre des Affaires étrangères, il n'avait pas cessé de courtiser la muse, et parfois les minutes étaient renvoyées aux chefs de bureaux avec des annotations autographes du ministre, dans le genre de celle-ci :

C'est le rayon dans la poussière,  

La fleur au buisson décharné.

Ou bien :

0 poète immortel des psaumes,

Tu méritais tous les royaumes.

 

Or, pour insérer les noms des pétitionnaires, nombreux et âpres à la curée, et noter les sujets poétiques qu'il projetait de traiter, Lamartine n'avait qu'un seul carnet où se mariaient, pêle-mêle à la queue leu-leu, les notes bureaucratiques et poétiques. Un jour, le Moniteur entre autres nominations, annonça celle du citoyen David au consulat de Brème. Quinze jours se passèrent ; l'ampliation du décret n'étant pas réclamée, on en référa au citoyen ministre, qui se creusa vainement la cervelle pour se rappeler qui lui avait recommandé ce fonctionnaire si négligent ; force fut de recourir au bienheureux carnet. Tout à coup le poète se frappa le front avec terreur, en disant au chef de bureau ébahi :

— Qu'avez-vous fait, malheureux ? vous avez nommé consul général de France à Brème le grand roi David !...

En effet, la lecture des psaumes ayant inspiré à Lamartine la pensée de consacrer au père de Salomon ses Méditations, il avait, pour se le rappeler, tout simplement inscrit le nom du grand roi sur son carnet à la suite de vingt noms de pétitionnaires. Indé error ! Le lendemain, paraissait au Moniteur le décret suivant : Le citoyen Marchand est nommé consul de France à Brème, en remplacement du citoyen David, appelé à d'autres fonctions. — Méfiez-vous des poètes, disait Louis XVIII ; ces gens-là ne sont bons qu'à tout embrouiller ! »         

 

Georges Savary, janvier 2024

Journal de Genève 27.07.- 25.09.1841

Gazette de Lausanne 13.03.1869



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