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La mort du douanier Landry.

En ce début de matinée du vingt-cinq fructidor de l’an IX (12.09.1801) de la République française, rien ne laissait présager qu’un drame allait affecter le poste de douane de Versoix, situé en face de la Préfecture du Département du Léman. 

La journée avait pourtant bien commencé, le trafic des marchandises occupait les agents du poste, quand tout à coup, un claquement sec produit par un coup de fusil fendit l’air et un jeune homme fut projeté à terre.

Les témoins de ce qui n’était rien d’autre qu’un stupide accident se précipitèrent auprès du corps gisant sur le sol. Malheureusement il n’y avait plus rien à faire, la mort avait fait son œuvre. Le cadavre fut recouvert d’un drap et la machine judiciaire fut mise en marche.

 La Préfecture, au 1er plan le corps de garde de la douane.

Les archives cantonales relatent cet événement dans un rapport joint au certificat de décès :

« L’an neuf de la république française et le vingt-cinq fructidor à trois heures après midi ; moi Pierre Carre, juge de Paix, officier de police judiciaire du canton de Ferney Voltaire, arrondissement de Genève, département du Léman, je fus avisé par le maire de la Commune de Versoix par lettre en date de ce jour qu’un préposé aux douanes venait de se tuer par accident avec son fusils à la porte du logis de garde de la douane. Nous sommes transportés à Versoix avec le citoyen Louis Salençon officier de santé demeurant à Ferney, et François Moutignot notre greffier où étant arrivés à l’heure susdite et auprès du citoyen Jean Marie Mégard maire de Versoix, avons trouvé un cadavre masculin gisant par terre derrière le corps de garde que le dit maire nous a déclaré avoir fait transporter de devant le corps de garde pour éviter aux voyageurs la vue de ce spectacle, et qui nous a été déclaré être celui de Pierre François Landry natif de la Ville-dieu, arrondissement  communal de Mouthe, département du Doubs, préposé aux douanes nationales. Vêtu d’une veste drap bleu de ciel mauvaise, un gilet écarlate, un mauvais pantalon de drap bleu et des bottes à ses jambes, ayant fouillé dans ses poches nous y avons trouvé un portefeuille contenant sa commission de préposé aux douanes dans le directoire de Genève et un extrait de naissance, un couteau de manche de corne et deux demi batze monnaie de Suisse et au même instant avait invité le citoyen Salençon officier de santé de faire la visite du cadavre. À quoi il a procédé en notre présence, lequel après visite et examen fait nous a dit et rapporté qu’il relevé une plaie à la tête à la partie gauche d’environ cinq pouces de largeur, l’os temporal totalement enlevé avec solution de continuité dans toutes les parties osseuses du crâne, le tout fait par une arme à feu ce qui lui a donné la mort la plus prompte par l’effet de la commotion du coup. Je lus se rapport qu’il nous a affirmé par serment être juste et véritable et a signé avec nous et ledit maire signé la minute Louis Salençon officier de santé, Jean Marie Mégard maire, Carré et Moutignot greffier.

Et de suite nous avons procédé à l’information des causes et circonstances de la mort du défunt ainsi qu’il fut. Claude Grébier lieutenant des préposés aux douanes au bureau de Versoix, âgé de trente-cinq ans, après serment fait de dire vérité a déposé que le jourd’hui à dix heures du matin, étant devant le corps de garde du bureau de la douane donnant sur la grande route à côté se Pierre François Landry qui tenait son fusil suspendu par la bandoulière à jambe gauche qui en le balançant le coup est parti et la tué raide, déclaré à lui faite de sa déposition à dit icelle contenir vérité et a signé Grébier.

Claude François Chappuis âgé de vingt cinq ans préposé aux douanes -illisible-, détaché en ce moment à Versoix et après serment de dire vérité, a déposé que le matin vers les dix heures étant au-devant du corps de garde de la douane qui donne sur la grande route à côté du Pierre François Landry, lequel tenait son fusil suspendu par la bandoulière à son bras gauche et en le balançant le coup a parti et l’a renversé à terre. Sans nouveaux-illisible- à lui faite de sa déposition a dit icelle contenir vérité et a signé. Chapuis.

Ce fait nous avons saisi ledit cadavre au citoyen François Guyot premier visiteur au bureau qui fut chargé pour le faire inhumer suivant l’usage, ainsi que les effets trouvés sur le défunt pour les rendre à qui de droit à l’exclusion du couteau susmentionné qui a été remis après réclamation à un camarade du défunt comme lui appartenant.

De sur quoi nous avons fait et dresser le présent procès-verbal pour servir et vouloir ce que décrit au dit Versoix le jour mois et an que dessus-illisible- maire Guyot signe avec nous, signe J. Marie Mégard maire, Carré et Martignot greffier.

Pour copie conforme au citoyen Mégard maire de Versoix

 Officier et préposé des douanes

Les agents de la Ferme, ancêtres de la Régie des douanes, ne sont pas dotés d’un véritable uniforme. Il faudra attendre l’arrêté du 25 Pluviôse An 8 (14 février 1800), pour que les agents des douanes s’en trouvent. Encore que l’arrêté ne se trouve guère disert sur la question. Il prévoit que les agents de la régie qui se trouvent armés pour l’exercice de leurs fonctions sont tenus au port de l’uniforme, à leur frais.

La description en est relativement sommaire : habit de drap vert avec revers, collet montant et rabattant, parements formés de trois boutons, poches de travers garnies de trois boutons, gilet rouge et culotte verte. Les boutons sont jaunes et portent la mention « République française / Douanes nationales ». Les officiers se distinguent des préposés par le port d’un collet jaune.

L’uniforme se retrouve rapidement modifié l’année suivante par l’arrêté du 7 frimaire An 10 (28 novembre 1801). Les modifications sont néanmoins mineures. Le gilet devient blanc ou vert, le pantalon et la culotte demeurent vertes.

Georges Savary, avril 2024

Source AEG// Base de données Adhémar



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