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DRAMATIQUE NOYADE AU VIEUX MOULIN

Par cette belle matinée d’automne de l’an onze de la république, deux enfants jouaient au bord du canal des usiniers, leur insouciance due à leur très jeune âge ne leur laissait pas voir le danger des mécanismes qui actionnaient la roue du moulin ou travaillaient leurs parents. Emportée par la machine, la petite Mariette fut la victime, parmi d’autres, de cette industrie qui n’épargnât pas les enfants du village.

Le commandant de la gendarmerie retrace dans son rapport ce terrible événement qui endeuilla tout le quartier des moulins :

« Le jourdui trois vendémiaire an onze de la république les quatre heures après midi de ce jour moi capitaine commandant la gendarmerie du département du léman, en cette qualité faisant les pouvoirs d’officier de police judiciaire (étant en tournée) sur l’avis à nous donné par le citoyen françois chevrant papetier quil inscrit un cadavre à la municipalité de Versoix nous nous sommes fait accompagner du maréchal des logis et de deux gendarmes audit versoix et assisté du citoyen Godefroy Zint officier  de santé patenté demeurant à ferney voltaire, nous nous sommes transportés audit village ou arrivé vers les quatre heures après midi, nous i avons trouvé un cadavre que nous avons reconnu femelle vêtue d’un petit mouchoir au col fond blanc, mouchoir violet en indienne, d’une robe de voile fond bleu, mouchoir de blanc dentelle, chemise  de voile de chanvre et une barette noire, taille d’environ deux pieds six pouces, cheveux blonds, yeux bleus, nez ordinaire, bouche moyenne, visage plein et uni, âgé d’environ deux ans et deux mois, nous avons aussitôt mandé dans le village les parents amis, voisins et domestiques du défunt et ceux qui se sont trouvés en sa compagnie avant son décès, nous donner les renseignements sur le genre découlant, en  conséquence différents particuliers du village interpellés se sont présentés à nous.

  Le canal des Usiniers. Takanori Oguiss

Il y avoit le citoyen françois chevrant, papetier se disant ami du père de la défunte habitant du dit lieu âgé de quarante trois ans, lequel nous a dit que la défunte s’appelait mariette Bouquet âgé de deux ans et deux mois, qu’il savait que le dit enfant se trouvait avec une autre près du domicile de son père meunier se lavant les mains dans les chenaux ou passe l’eau qui fait tourner les rouages des moulins de versoix. La tête avait emporté le reste du corps, que la rapidité de l’eau passant dans les dits chenaux avait entrainé vers la roue du moulin et que la roue l’a contusionné et quil présume l’avoir étouffé et à signé françois chevrant.

A comparu le citoyen Gilbert Guillemin trente ans se disant voisin du père de la défunte qui nous a dit avoir vu joseph Corbillon de Versoix retirer de dessous la roue du moulin un enfant qu’il a reconnu être celui de philibert bouquet meunier demeurant à versoix le dit enfant a paru être noyé, et n’a pas signé sa déclaration pour ne savoir de le enquis.

A comparu le citoyen joseph Corbillon ouvrier papetier demeurant à versoix lequel nous a dit que sétant apercu qu’un enfant était noyé sous la roue du moulin de versoix, il s’était enquis de l’aller retirer, que la mère du dit enfant l’avait accourue, et l’avait remis mort sur le bord du chemin et que plusieurs autres femmes étaient accourues pour empêcher que la mère de la défunte ne resta plus longtemps auprès de son enfant noyé, et la consoler de ce triste accident, et n’a pas signé sa déclaration ne le savoir enquis.

A comparu françoise meunier, femme de philibert bouquet qui nous a dit que Gabriel pautex fils de jean louis pautex, et âgé d’environ deux ans et trois mois lui était venu dire que mariette était tombée dans l’eau, aussitôt je fus accourue et j’ai trouvé le bras de mon enfant près de l’eau, je l’a saisi par le bras et je l’ai emporté chez moi parce que j’ai reconnu que c’était mon enfant, et interpellé de signer sa déclaration, elle a déclaré ne le savoir.

Ce aujourd’hui, le quatre Vendémiaire an onze à onze heure du matin, par la réquisition du citoyen Jean Marie Mégard, Maire de la Commune de Versoix, Moi Godfroy Zint officier de santé et patenté sur le n° 12, habitant et propriétaire de Ferney Voltaire, je me suis transporté dans le domicile du citoyen Philibert Bouquet, Meunier de Versoix, pour voir et visiter un enfant femelle, morte ; l’ayant visité en présence du citoyen Jean Marie Mégard, Maire, Jean Hot, maréchal des logis de la gendarmerie ; et du citoyen clément Girard, et Jean Gallet, les deux gendarmes. En visitant ledite cadavre, très régulièrement n’a put trouver ny contusion, qui pouvant avoir occasionné la mort qu’un chute accidentellement dans la rivière, nommé la Versoix et une suffocation appoplectique ayant étouffé la dite enfant ce que je déclare avec vérité le dite rapport, sincère. En foi de quoi, je me suis signé et fait le dit Verbal à Versoiy le jour, an et mois, que dessous.

J.Marie Mégard maire                                            G. Zint off.-de santé

De tout ce que nous avons rédigé le présent procès-verbal en la dite maison de philibert bouquet ciprès avoir vaqué jusqu’à l’heure de sept du soir, et nous avons délivré le cadavre audit philibert bouquet et françoise meunier père et mère de l’enfant désigné dans le présent après avoir apposé sur le -illisible- du dit enfant le sceau de la mairie de versoix, a défaut d’être aussi du notre et philibert bouquet fut chargé de le faire enlever et inhumer à biffer dequoi nous lui avons délivré copie du présent et a signé ledit bouquet pour ne le savoir avec nous, maréchal des logis et gendarmes après lecture faite a chacun des interpellés mentionnés dans le présent fait a versoix les jours mois an extrêmes que dessus et avoir apposé ci cntre le sceau de la mairie de versoix  à défaut du nôtre

Signé : Chaperon, Mal des logis et trois autres

Note : Nous relevons le français approximatif de l’officier de gendarmerie comparé au médecin qui établit le certificat de décès. Nombreux étaient les citoyens illettrés.

Au courant de l’année 1803, vingt-neuf actes de décès ont été établis à Versoix, dont 14 étaient pour des enfants âgés de 1 jour à 10 ans. Au cours de l’année suivante les enfants décédés étaient au nombre de 12.

 

Georges Savary, mars 2024

Source : AEG/Adhémar

 

 

 



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