Etienne François, comte de Stainville , duc de Choiseul. Homme d'Etat français. Choiseul, marquis de Stainville fait duc par Louis XV, est né en Lorraine en 1719.
Après avoir été ambassadeur à Rome et à Vienne, ce fils d'une famille noble de la Champagne succède au cardinal de Bernis, en 1758, comme secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, de la Guerre et de la Marine et dirige pendant douze ans, comme Premier ministre de fait, la politique extérieure et intérieure de la France.
Secrétaire d'Etat de Louis XV
En février 1757, le roi écarte ses deux principaux ministres, Machault, bouc émissaire du parlement, et le comte d'Argenson, antijanséniste notoire: Louis XV entame ainsi une nouvelle volte-face. Pour mettre en place cette politique faite de pacifisme face à l'Europe, de concessions aux opposants de l'intérieur et de libéralisme tempéré dans l'ordre économique, il fait appel à Choiseul en 1758.
Désireux de faire taire l'opposition aux réformes fiscales qu'il entreprend, Choiseul s'en prend très vite aux jésuites, en qui il voit des suppôts du pape. Il est soutenu par la Pompadour, à qui il ne déplaît pas de se venger des dévots, qui ont toujours dénoncé sa liaison illégitime avec le roi. Sa politique est accueillie favorablement par les parlementaires projansénistes et antidévots. En 1761, l'affaire Lavalette, un procès en malversation dans lequel sont impliqués les jésuites, permet au parlement de Paris d'attaquer l'ordre, avec l'appui tacite du roi et de Choiseul: un édit de novembre 1764 abolit en France la Compagnie de Jésus.
Un gallican pacifiste
Gallicane, la France de Choiseul se veut aussi patriote, sans pour autant nourrir un bellicisme excessif. Toutefois l'armée est professionnalisée. Les casernes se multiplient. L'artillerie est réorganisée et bénéficie d'un équipement perfectionné. Dans la marine, 165 navires sont construits, dont 66 gros vaisseaux parmi les plus modernes du monde. Le pacifisme de Choiseul n'exclut donc ni un réarmement ni une vigilance ferme: il veut simplement garantir la Lorraine, plutôt que de se battre pour une lointaine Louisiane ou pour la Pologne. En 1761, Choiseul conclut le pacte de Famille, qui resserre l'entente franco-espagnole; en 1766 et 1768, il réunit à la France la Lorraine et la Corse respectivement.
Plus que jamais tourné vers les Antilles, le gouvernement français entreprend en priorité de développer le commerce colonial, qui voit son niveau d'activité culminer entre 1763 et 1778. Le commerce triangulaire fait la fortune des négriers, tandis que Marseille, Bordeaux, Nantes, Le Havre et Rouen s'enrichissent avec le trafic de sucre, de cacao, de tabac ou de coton. Souvent situées à la périphérie du royaume, Paris excepté, les grandes villes françaises sont autant de têtes de pont d'un négoce international qui grandit à un rythme rapide; les fortunes marchandes ne cessent de croître, et les activités bancaires prennent du volume.
La politique de libéralisation commerciale
Cette expansion, qui touche tous les secteurs d'activité, autorise Choiseul à tenter la première libéralisation effective du commerce des grains. Portés par Quesnay et les physiocrates, pour qui la libéralisation de la production et des échanges est un gage de progrès nouveaux, Choiseul et le contrôleur général des Finances L'Averdy suppriment toute entrave au commerce des grains en juillet 1764. Désormais, le blé ne sera plus captif, laboureurs et marchands ne seront plus tenus d'approvisionner telle ville plutôt qu'une autre. On choisit délibérément de faire confiance aux lois du marché pour réguler l'approvisionnement et le prix des céréales. D'ailleurs, les belles récoltes et les bas prix des années 1760-1763 incitent à l'optimisme. Mais, dès 1764, la production agricole connaît une situation difficile; la spéculation fait le reste. Les prix grimpent. Dans des dizaines de villes, des révoltes frumentaires éclatent. A la fin de septembre 1768, L'Averdy est renvoyé.
Choiseul et la Suisse
Colonel général des Suisses et Grisons (1762-1770). Choiseul fit ratifier en 1764 une capitulation générale en Suisse avec les cantons catholiques pour tous les régiments suisses permanents au service de France. Pour contraindre les Genevois à accepter l'édit de pacification, Choiseul les soumit en 1766 à un blocus sévère. Dès 1767, il soutint le projet de Versoix-la-Ville, chercha à y établir une manufacture royale d'horlogerie et à y créer un port (qui devait porter son nom) pour ruiner Genève, projet qui ne se releva pas de la disgrâce du ministre en 1770.
La chute
De plus, avec la disparition de la Pompadour en 1764, Choiseul a perdu son soutien le plus ferme. A Versailles, la cabale dévote regagne du terrain. Incarnée, non sans impudence, par la du Barry, maîtresse en titre depuis 1768, elle réunit en son sein le duc d'Aiguillon, Maupeou, chancelier depuis 1768, et Terray, nommé contrôleur général des Finances en 1769. Les finances du royaume sont saines, et l'on peut se passer de l'avis du parlement, dont on avait besoin quand il s'agissait de faire accepter par le pays des impôts nouveaux et lourds. Le sort de Choiseul, à qui l'on reproche ses tractations continuelles avec les parlementaires et sa politique plus agressive à l'égard de l'Angleterre, est scellé. A la fin de l'année 1770, le ministre est renvoyé. Etienne François de Choiseul meurt à Paris en 1785.
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