MALAGNY
C'est un paisible coin de terre. Sur la « route suisse », sur la route de Ferney, on voit fuir les autos qui soulèvent la poussière. Mais ici le piéton distrait peut contempler le paysage et flâner le long des haies avec un minimum de soucis. Le lac est tout proche que surmontent les hauteurs de Collonge et le Jura oblique sa paroi Bleue vers le pays de Vaud. Fermes plantureuses, vastes champs de blé ou de luzerne, pelouses parsemées d'ormes ou de marronniers, nants qui courent parmi les bois... Il y avait là jadis tout un hameau : quelques maisons modestes, groupées autour d'un puits, à la croisée des chemins ; en 1295, Léonète de Gex et son fils eu percevaient les dîmes. Le fief de Genthod, dont il dépendait, était l'une des enclaves du mandement de Peney. Comme « ceux de Genève », ceux » de Malagny eurent à souffrir des incursions du duc et des méfaits de « la Cuiller ». Plus tard, leurs voisins étant devenus sujets du roi de France, ils bataillent pour le sel, pour la religion, pour le respect des frontières. Et Voltaire ne les aime guère, qui donne aux ministres de Louis XV de si perfides conseils pour ruiner Genève. En 1813 il fallut cantonner un lot d'Autrichiens, ici comme ailleurs difficiles à contenter, gros mangeurs et gros buveurs ; on tremblait qu'en se chauffant les Kaiserlicks ne missent le feu partout. Et c'est enfin la constitution du vingt-deuxième canton suisse, les membres épars du territoire soudés sur la rive droite par les communes françaises qu'i séparaient Versoix de Peney.
Le château de Malagny Dès le début du XVIIIe siècle des citadins établissent leur résidence d'été dans l'enclave. Ami Lullin, au « Creux » ; Antoine Maurice, sur les hauteurs, à la Gandole; des Gallatin, de la Rive, dans le village; Jean-Pierre Ferrier et Jean-Louis Saladin â Malagny. Charles Bonnet y observera les abeilles, y rédigera ses ouvrages, y méditera. Jean-Jacques Rigaud s'y reposera de ses travaux de magistrat en préparant ses conférences sur l'histoire des beaux-arts. De nobles demeures s'élèvent auxquelles on accède par d'élégants perrons aux balustrades de fer forgé, que Jaquet décore à l'intérieur de boiseries délicates, qu'entourent des avenues, des salles de verdures, des jardins à la française dont, les gravures de Simon Malgo nous ont conservé le souvenir. Sur les fastes de Genthod, sur toutes les propriétés qui en font avec la nature l'incomparable ornement, M. Guillaume Fatio sait une foule de choses intéressantes qu'il a racontées hier à la Société d'histoire*. Et très justement il a mis en relief les personnages les plus marquants qui ont vécu à Malagny : Jean-Louis Saladin, dit d'Onex, notamment. Diplomate éminent, résident de Hanovre â Paris, puis ministre de Genève dans la mémo capitale, Saladin, déjà membre du « Soixante », devint syndic et trois fois premier magistrat de la République. Il était lié d'amitié avec Montesquieu et Jean-Jacques, dont il relut maint ouvrage en épreuves. Plus tard ce furent des savants qu'attirèrent à Malagny les Marcet, médecins, physiciens, physiologistes ou chimistes. Restauré avec art le château, dont le grès dur défie les intempéries, au milieu de son parc intact, a fait un nouveau bail avec la vie. Be. * A la demande du propriétaire actuel du château, M. Smidt van Gelder. Il a même écrit un ouvrage, imprimé par Atar avec grand luxe, mais hors commerce. Source : Journal de Genève 13.03.1925 |
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