27 octobre 1913: Un mariage princier à la mairie de Versoix.
Journal de Genève, 28 octobre 1913:
Lundi après-midi a eu lieu à la mairie de Versoix le mariage civil de Charles-Rodolphe-Engelbert-Philippe-Léon, duc de Croy, et de Miss Nancy-Louise Leishmann, fille de l'ancien ministre des Etats-Unis à Berne, où il compte encore de nombreuses sympathies, et ancien ambassadeur à Berlin.
Le duc a 24 ans, sa femme en a 18 et demi ; la jeune épouse avait tenu à ce que la cérémonie civile eût lieu à Versoix, où elle a fait récemment un séjour ; c'est le maire de Versoix qui a procédé à la cérémonie ; la salle avait été fleurie par le soin des familles des fiancés.
Les témoins étaient pour le duc de Croy : son frère le prince Engelberg et le comte Mangi Apponyi, secrétaire à l'ambassade d'Autriche à Constantinople ; pour Miss Leishmann : M. Mac Langhlin, secrétaire à l'ambassade des Etats-Unis à Londres, et un ami de la famille, M. Witehouse. Le consulat des Etats Unis à Genève était représenté par M. Louis-H. Munier, vice-consul. Dans l'assistance, très nombreuse, on remarquait plusieurs journalistes américains. Aucun discours n'a été prononcé.
Le mariage religieux sera célébré en grande pompe aujourd'hui mardi, à 11 h. 30 en l'église de St-Joseph ; la bénédiction nuptiale sera donnée par M. l'abbé Blanchard et un prêtre de Paris, amis de la famille Leishman ; M. l'abbé Marchand célébrera la messe. La partie musicale a été confiée à M. Montillet, organiste. La cérémonie sera suivie d'un lunch à l'hôtel National.
Le duc Charles de Croy, prince de Dülwen (Westphalie) est le 13e du nom. Né à Bruxelles le 11 avril 1889, il est le descendant de l'ancienne maison royale de Hongrie ; il était récemment encore lieutenant prussien au régiment des gardes du corps à Potsdam.
C'est un mariage d'amour qui s'ébaucha dans un bal de la cour à Berlin.
Journal de Genève, 29 octobre 1913
C'est en grande pompe qu'a été célébré mardi matin, en l'église de St-Joseph, le mariage religieux du duc de Croy avec miss Nancy-Louise Leishman.
Bien avant l'heure l'église fut prise d'assaut ; c'est à grand-peine que les deux suisses purent canaliser la foule dans les bas-côtés. Au dehors, nombreux public aussi, que maintenaient quelques gendarmes, et de la cohue émergeait, perché sur un taxi, l'inévitable photographe.
Onze heures et demie venaient de sonner lorsqu'un jeu d'orgue annonça l'arrivée du cortège nuptial ; la mariée, qui porte une robe de velours ivoire, est charmante ; elle s'avance, un peu pâle d'émotion, au bras de son père ; l'époux, en jaquette, suit ; physique très sympathique et allures simples. C'est un beau couple.
M. l'abbé Blanchard prend aussitôt la parole. Après quelques considérations générales sur la doctrine du mariage chrétien, M. l'abbé Blanchard a poursuivi son élégant discours en ces termes :
« Vous me permettez, Altesse sérénissime, d'ajouter à ces enseignements de l'Eglise quelques mots personnels. Je vous connais ; il m'a suffi de vous voir et de vous parler pour pénétrer votre caractère tout empreint de nobles pensées et de généreux sentiments. Votre famille, dont la glorieuse ancienneté est si respectable, votre famille, alliée à des princes de sang impérial et royal, vous a laissé des traditions dont la vivacité s'est maintenue intacte à travers le cours des siècles, et, j'en ai la persuasion, comme chef de la noble race des ducs de Croy, comme officier de la garde royale ,comme catholique convaincu, vous demeurerez fidèle toujours aux immuables principes qui vous ont été transmis et que je voudrais résumer ainsi : l'honneur dans la vie sociale et le dévouement à notre Sainte Eglise…..
« Dans le choix que vous avez fait de celle qui doit être la compagne de tous vos jours, vous avez laissé parler votre cœur et ose vous en féliciter. »
M. l'abbé Blanchard fait ensuite l'éloge de la mariée : « Vous aussi avez de qui tenir ; vous appartenez à une race jeune, pleine de sève vitale dans tous les domaines, dans le domaine de la religion, de la science et du progrès matériel ; vous avez joui d'une éducation fortement trempée sans rien perdre des dons du cœur qui sont le privilège de la femme. »
L'orateur parle enfin de l'hospitalité de la vieille cité de Genève et il se déclare heureux d'avoir appris à connaître les jeunes époux et à les apprécier, par l'aimable intermédiaire de son « vieil ami M. Adrien Lachenal, membre du Conseil des Etats suisse ».
M. l'abbé Blanchard a ensuite donné la bénédiction nuptiale, puis la messe a été célébrée par M. l'abbé Marchand, curé de la paroisse de la Garenne-Colombe, près Paris, tandis que de beaux chants étaient exécutés sous la direction de M. Montillet, le distingué organiste de St-Joseph.
Après la cérémonie le duc et la duchesse de Croy se sont rendus à la sacristie, où ils ont reçu les compliments de leurs amis. Un lunch a été ensuite servi dans les magnifiques salons de l'hôtel National, transformés pour la circonstance en véritable jardin ; le directeur de l'hôtel, M. Hotop, s'est surpassé.
Parmi les convives on remarquait, outre la famille de la mariée, la princesse douairière, duchesse de Croy, les frères du jeune marié, le prince Engelberg et le prince Antoine de Croy, le i« secrétaire de l'ambassade des Etats-Unis à Londres, M. Longhlin, le vice-consul des Etats-Unis à Genève, M. Munier, M. Marc Peter, conseiller national et maire de Versoix, MM. Adrien Lachenal père et fils, l'abbé Blanchard, etc.
Des toasts ont été portés par M. l'abbé Marchand, de Paris, et par M. Adrien Lachenal, père.
Le duc de Croy nous a dit combien il avait été touché de l'accueil si cordial qu'il avait reçu à Genève ; il en gardera le meilleur souvenir. Le couple princier a quitté Genève dans le courant de l'après-midi. Le duc de Croy conduira prochainement sa jeune femme en son château de Dülmen, où il réside habituellement ; le duc possédé en Westphalie de grandes propriétés.
Ajoutons que le jour du mariage civil un déjeuner avait eu lieu à midi chez Mme la comtesse de Pourtalès, à Versoix.
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