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LA GARE ET SES AMENAGEMENTS

L’arrivée du chemin-de-fer à Versoix a profondément modifié le paysage du village à la fin du XIXe siècle. Ce nouveau moyen de transport a permis aux entreprises déjà installées, la chocolaterie Favarger et les bonbons Deshusses, de se développer et de faciliter l’expédition de leurs marchandises.

Le réseau routier communal se résumait à peu de choses, le chemin des Moulins était très étroit et un goulet d’étranglement créé par l’écurie de Favarger, en face des bureaux, rendait la circulation dangereuse. Plus haut, le remblai du chemin-de-fer avait fermé ce chemin en direction de St Loup. L’avenue Deshusses, nouvellement créée, permettait de transporter les marchandises à la gare plus facilement que par la rampe de la Gare.

Sur cette carte de 1907, le chemin C.Courvoisier n’est pas encore tracé. map.geo.admin.ch/


En 1888, déjà, le Grand Conseil approuve deux délibérations du conseil municipal pour des échanges et acquisitions de terrains situés près de la gare en vue de la rectification des abords de celle-ci et délègue au maire la signature des actes nécessaires
Onze ans plus tard, le Grand Conseil a suivi de près les tractations avec le Département des Travaux publics, d'une part, et les C. F. F. de l'autre, pour l'établissement d'un passage inférieur au kilomètre 52,105 (chemin communal de Richelien à la station de Versoix) et la suppression du passage à niveau existant au kilomètre 51,996. Une convention du 8 juillet 1909-15 février 1910 entre la Commune et les C. F. F. règle les divers points laissés en suspens pendant plus d'une année. St-Loup et Richelien sont reliés, de cette manière, plus directement avec le centre du Bourg en ce qui concerne les véhicules. Quant aux piétons de Villars et de la Brûlaz, Richelien et la Bâtie, l'accès de la gare ne leur sera pas plus difficile avec la passerelle qui sera construite à l'emplacement du passage à niveau (qui se trouvait vers le polonya) dont la suppression est définitive. Les C. F. F. ont pris tous les frais à leur charge ; la Commune a dû fournir les terrains de MM. Courvoisier et Favre, qu'exigeait cette opération. Coût : 1000 francs. 
La construction du passage sous voie a démarré au début de l’année, les ouvriers creusent le talus de la voie ferrée. M. Edouard Cuénod entrepreneur est chargé pour le compte des C.F.F de supprimer le passage à niveau au sud de la gare et de construire un pont sous lequel passera la nouvelle route partant de Versoix et qui doit aboutir à Collex en passant par Richelien et la Bâtie. M. Cuénod a chargé à son tour M. Mégevand, entrepreneur, des travaux de déblaiement sous la voie des C.F.F. 
C'est à cet endroit qu’un éboulement s'est produit un matin vers neuf heures. La Tribune de Genève du 9 mars 1910 relate cet accident : 

" Sous la direction de M. Alexandre Ferri contremaître une équipe d'environ dix ouvriers procède au percement de la route sous la voie. On a déjà établi des échafaudages et les travaux sont assez avancés. Trois ouvriers MM. Romaldo Giorgi Antoine Brunato et Baptiste Zerbola , la victime, creusaient dans le talus. A un moment donné M. Zerbola remarqua qu'une masse de terre était sur le point de se détacher. Il prévint ses collègues du danger. Au même instant l’éboulement se produisit et M. Zerbola fut atteint par un énorme bloc de terre qui le projeta violement la face en avant sur un rail du petit chemin de fer Decauville.
 
Le chemin de fer Decauville est un système de rails à voie étroite qui permet le passage de wagonnets d’une contenance d’un quart de m3. 
tirés par des hommes, des chevaux ou de petites locomotives. Photo d’illustration.tramwaytetg.free.fr
 
Le malheureux ouvrier resta inanimé sur le sol pendant que la masse de terre le recouvrait presque entièrement. Les ouvriers présents s'empressèrent auprès de leur camarade après avoir prestement déblayé le terrain. M. le docteur de Senarclens de Versoix arrivant sur ces entrefaites fit les constatations suivantes M. Gerbola était étendu sur le dos ne donnant déjà plus signe de vie. La respiration était arrêtée ainsi que les pulsations du pouls. La face était souillée de sang qui s’était écoulé des narines. Les cartilages nasaux sont écrasés et l'on ne peut douter qu'un choc violent a porté sur le nez. En arrière du crâne sur l'occiput on remarque également une petite plaie ; de même y a plusieurs fractures des membres inférieurs. L'autopsie fera connaître les causes exactes de la mort. Le cadavre fut placé sur une civière et transporté au poste de gendarmerie de Versoix sur l'ordre de M. Courvoisier maire qui procéda aux formalités légales. Plus tard arriva le fourgon mortuaire qui transporta le corps à la morgue judiciaire. Le gendarme Bory procéda à une première enquête.
Sur le chantier les travaux cessèrent et c'est en pleurant que plusieurs des ouvriers quittèrent le travail. La victime était un brave garçon estimé de tous ses camarades.  Voici son état civil exact Baptiste Zerbola âgé de 32 ans né à Carisio province de Novare domicilié à Coppet chez M. Steiner forgeron. 
Le père de la victime qui habite Carisio a été prévenu par télégramme de la mort de son fils. M. Marquent commissaire de police s'est rendu ce matin à Versoix en compagnie de son secrétaire M. Baur pour continuer l'enquête commencée par la gendarmerie et les gardes ruraux. Les travaux ont repris cet après-midi. On prendra de sérieuses précautions pour éviter le retour d'un nouveau malheur attendu que la terre est des plus humides et glissantes."
 
Quelques mois plus tard, la route qui remplace le passage à niveau sur le chemin de Richelien est remise à la Commune par les C. F. F.
 
Le pont construit en 1910. Photo G. Savary
 
L'ancienne gare est mise en service le 18 juin 1858, en même temps que le tronçon Genève - Versoix de la ligne Lausanne - Genève, mais n'a été réellement achevée qu'en 1861.

 

Le 5 octobre 1912, la Direction du 1er arrondissement des chemin de fer fédéraux met au concours la construction de la nouvelle gare. APV PHO253-01

 

Le 18 octobre, elle met au concours les travaux de charpente et ceux de couverture ferblanterie et appareillage pour le nouveau bâtiment des voyageurs. 

Les travaux de terrassement de la nouvelle gare de Versoix ont commencé lundi 2 janvier 1913. Le bâtiment des voyageurs est reconstruit dans le style Heimatstil.

La nouvelle gare. APV-PHO099-13

Enfin, après bien des pourparlers, la commune a réussi à obtenir pour le prix de 7,000 francs l'écurie Favarger dont la démolition était indispensable pour éviter les accidents dans la rue des Moulins.

Dans sa séance du 14 novembre 1912, le Conseil a adopté un plan d'extension, qui a été approuvé par le Conseil d'Etat. Ce plan comporte les rectifications et élargissements futurs des rues du Bourg et prévoit la création d'une nouvelle artère reliant directement la route de Genève à Versoix au chemin de Richelien. Cette nouvelle route est évidemment appelée à développer et augmenter la valeur du quartier situé entre la voie ferrée et la route cantonale mais elle ne pourra être créée que si les propriétaires intéressés veulent bien faire les concessions nécessaires pour la réalisation d'un projet dont ils seront les premiers à bénéficier. Ce projet de nouvelle route sera abandonné près de cent ans plus tard. Une passerelle piétonne sur la rivière sera construite dans les années 1960 et reconstruite en 2005.

Le 24 décembre 1913, le chef de gare a pris possession de son logement, le nouveau quai et la nouvelle halle aux marchandises sont mis à la disposition du public.

La halle aux marchandises et la gare. APV- PHO398

 

Georges Savary, mars 2021

Tribune de Genève-e-newspaperarchives.ch

Compte rendu administratif 1910-1911-1912

 

 



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