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CANAL DE VERSOIX - Concession

Historique du canal de Versoix présenté par M. Jean-Pierre Ferrier au Conseil municipal à l’occasion du renouvellement de la convention sur le canal – 1944

La construction du canal de dérivation de la Versoix qui prend naissance au hameau de la Bâtie pour se jeter dans le nant de Braille, tout prêt de la frontière vaudoise, a été décrété en 1770 par une ordonnance de l’Intendant de la province de Bourgogne dont faisait partie alors Versoix-la-Ville. Ce canal était prévu dans le plan du duc de Choiseul qui entendait faire de Versoix la concurrente de la ville de Genève. Il devait alimenter la population de la future ville en eau potable et d’irrigation et fournir la force aux fabriques que l’on désirait attirer dans cette région.

Terminé en 1785, il fut inauguré par la duchesse de Choiseul-Praslin qui le parcouru sur une nacelle en forme de cygne. Pour attirer des habitants, on garantit aux acheteurs de parcelles de terrain la jouissance perpétuelle et gratuite de l’eau du canal. Les descendants et successeurs de ces propriétaires de 1785 n’ont jamais voulu renoncer expressément à ce droit inaliénable, mais en fait ils agissent comme s’il était caduc.

Tous les terrains de Versoix-la-Ville où passe le canal sur une largeur de 10 m. était propriété du roi de France, par suite d’expropriation, le canal et ses rives formaient une propriété de la couronne.

La loi de 1790 dit du canal un bien national, mais il fut, dans la pratique, considéré alors comme propriété de la commune de Versoix-la-Ville qui en assurait, fort mal d’ailleurs, l’entretien.

A la suite de la fusion en 1793 des communes de Versoix-le-Bourg et Versoix-la-Ville en une seule commune, Versoix-la-Raison, la propriété du canal passa à la nouvelle commune, sous la réserve des droits des propriétaires à l’usage gratuit et perpétuel des eaux du canal ; les événements et l’extrême pauvreté de la commune ne permirent pas un bon entretien du canal et la municipalité essaya de se débarrasser de la charge, onéreuse pour elle, de son entretien.

L’annexion de Versoix à la République de Genève ne modifia pas tout d’abord cet état de choses, mais en 1823, le maire s’adressa à la Chambre des Travaux publics qui exécuta et prit en charge les réparations les plus urgentes. Le 8 mars, une convention régla le mode de jouissance des concessionnaires, mais elle resta sans exécution, la commune imposa alors aux concessionnaires l’obligation de participer aux frais de curage. En 1841, l’Etat intervint et établit un REGLEMENT SUR L’ADMINISTRATION, LE MODE DE JOUISSANCE ET L’ENTRETIEN DU CANAL DE VERSOIX. L’article 1er de ce règlement est ainsi rédigé :

« Le canal de Versoix dans toute son étendue…appartenant en toute propriété à l’Etat, celui-ci a seul le droit d’en accorder la jouissance et de fixer les conditions des concessions. »

La question de la propriété du canal était ainsi tranchée unilatéralement. L’Etat, dorénavant, entretiendra le canal, mais récupérera, sans bénéfice, les dépenses d’entretien, sur les concessionnaires groupés en une sorte de syndicat qui répartira entre ses membres les dépenses faites.

Au cours des ans, comme l’usage des eaux du canal s’était développé, la Commune désira rentrer en possession du canal dont elle pouvait espérer des ressources.

Par une délibération du 20 avril 1880, le Conseil municipal, confirmant les résolutions antérieures prit un arrêté demandant à l’Etat la remise à la Commune de l’entière administration du canal, en même temps elle établit le plan d’une canalisation communale apportant l’eau du canal dans le bourg même par la route de St Loup.

AEG/Base de données Adhémar/Travaux A 98

 

L’Etat, de son côté, entendait profiter des ressources que pouvait lui rapporter le canal, alors que la convention de 1841 se bornait à faire couvrir les frais d’entretien par le syndicat des concessionnaires de 1785.

Ces derniers s’y opposèrent, un procès allait s’engager, quand en 1883 la Commune réitéra sa demande à l’Etat de lui accorder l’administration du canal dont elle pouvait espérer tirer des ressources. Le Conseil d’Etat refusa d’accorder un droit perpétuel, mais en raison de la situation financière très obérée de la commune qui avait entrepris de grands travaux : le quai, agrandissement de l’école, fontaines, élargissement de rues, etc., accepta la cession pour trente années de ses droits sur le canal à la commune.

AEG/Base de données Adhémar/Travaux A 101

Cette loi du 28 juin 1884 fut suivie le 22 septembre de la même année d’une convention entre l’Etat de Genève, la commune de Versoix et divers propriétaires, concessionnaires dès l’origine du canal ; elle règle le mode de vivre entre la Commune et les concessionnaires. Ses principales dispositions sont les suivantes :

Art.1) Chacun des concessionnaires comparants pourra conserver pour lui et ses successeurs, dans la propriété qu’il possède actuellement à Versoix, une fontaine ou prise d’eau débitant 50 litres à la minute, moyennant une redevance annuelle de 75 francs, payables en mains de la commune de Versoix, comme correspectif des frais de curage et d’entretien du canal.

Art.2) Tous les dits concessionnaires seront astreints au payement annuel de 75 Fr lors même qu’ils demanderaient une quantité moindre de 5o litres par minute.

Art.5) Si, par suite de sécheresse, l’eau de la Versoix diminuait au point que les concessionnaires ne pussent en recevoir la quantité qui leur est due, il serait fait entre tous les concessionnaires de prise d’eau une répartition temporaire, au prorata du nombre de litres de leur concession.

Art.7) Les travaux d’entretien, de curage et de réparations quelconques du canal et des ouvrages qui en dépendent, notamment de la conduite d’eau située dans le chemin communal de Richelien, dès la prise d’eau au canal jusqu’au réservoir au-devant de la maison communale, seront exclusivement supportés par la commune de Versoix.

 

Cette convention avait également une durée de 30 ans. En 1913, la loi venait à expiration, le Grand Conseil, après un rapport de nouveau confié à M. Adrien Lachenal, la renouvelait pour 30 ans dans la teneur suivante :

Art.1) Les revenus annuels du canal cantonal de Versoix, comprenant les redevances des concessions d’eau anciennes et nouvelles et le produit de la coupe de bois sont accordées à la commune de Versoix pour une nouvelle durée de 30 ans, à partir du 1er septembre 1914.

Art.2) Les travaux d’entretien, de garde, de curage et de réparations quelconques du canal et des ouvrages qui en dépendent seront effectués pendant ce même délai de 30 ans, par la Commune, à ses frais, sous la surveillance du Conseil d’Etat, qui pourra, le cas échéant, ordonner l’exécution d’office.

Art.3) Les recettes et dépenses afférentes au canal seront portées chaque année au budget communal.

Le Conseil d’Etat est chargé de faire promulguer les présentes dans la forme et le texte prescrit.

Fait et donné à Genève, le 8 novembre 1913, sous le sceau de la République et les signatures du président et du secrétaire du Grand Conseil.

 

Suivons le canal proprement dit :

 

La Bâtie – Route de la Bâtie – Gravières Vienne et Simond - En dessous de Guzzoni – Terrain Piccot – Colombières – Passe sous St Loup – Terrain de football – En dessous de l’Institut Monnier – Passe sous le chemin Ls Dégallier – Passe sous la route de Sauverny à l’intersection du chemin du Lac – Passe sous le chemin de Montfleury – Traverse la voie ferrée dans un canal en fer, longe la propriété Salmanovitz – Traverse la route Suisse pour aller se verser dans le lac.

Tout au long au gré des propriétaires il y a des prises d’eau payantes (canal proprement dit)

La première bifurcation se trouve à l’intersection de la route de St Loup, vers le pont. De cette prise il part un tuyau d’acier de 10 cm. de diamètre d’une longueur de 316 ml. exécutée, il y a 10 ans, par la maison Alessi, et qui va jusqu’à la maison Pfeffli. De ce sac partent deux tuyaux, l’un appartenant à la campagne Wartmann, l’autre à la commune dont la matière et le passage exact n’est pas connu.

Cette canalisation longe la route de St Loup, passe sous la voie ferrée, pour arriver sur la place de la gare. Un canal descend la rampe de la Gare, un autre passe le long de chez l’Homme, Bésoche pour desservir le Plateau, Dutoit, etc. C’est donc depuis chez Pfeffli que le canal souterrain n’est pas connu. Il dessert selon la liste des concessionnaires actuels : Favre, Racine, Immeuble de Rivaz, Dutoit, Delederrier. Une autre prise part du canal depuis le chemin du Lac, longe à Découvert la route de Sauverny jusqu’à la hauteur du chemin Argand d’où part l’alimentation des 5 fontaines.

 

Recettes que procure le canal au ménage communal.

1885      2480.- Fr. 

1910      2707.-

1920      2880.-

1930      3204.-

1940      3248.-

1941      2905.-

1942      3105.-

1943      2810.-

​A ces sommes, il convient d’ajouter, pour mémoire, la vente du bois des berges, des droits pour les passerelles, etc.

On constatera que depuis 60 ans ces recettes sont particulièrement stables. En contrepartie, quelles sont les dépenses occasionnées ces dernières années par le canal ?

Le curage qui devait s’effectuer tous les 5 ou 6 ans et que l’on confie à des chômeurs, le dernier curage effectué remonte à 1937 et a coûté Fr 2411.-

En 1928, des éboulements au lieu-dit Fer à cheval a entrainé une réfection de la berge ; les travaux ont été devisés Fr 1300.- dont l’Etat a pris la moitié à sa charge.

En 1934, la canalisation communale de la route de St Loup, sur une longueur de 316 m. a coûté Fr. 4114.-.

Il est à constater, à ce sujet, que c’est, si je ne m’abuse, la seule canalisation communale, les autres appartenant aux concessionnaires. Si la commune considérait que cette canalisation est superflue, il lui serait donc loisible d’y renoncer.

De l’examen de ces chiffres, il apparaît évident que la commune à tout intérêt à obtenir de l’Etat le renouvellement de la loi qui lui attribue les recettes et l’entretien du canal.

En vue du renouvellement des concessions, la municipalité a demandé aux concessionnaires s’ils étaient d’accord pour s’engager pour une nouvelle période de 10 ans.

Six concessionnaires ont déclaré renoncer ce qui amènera une réduction annuelle de recettes de Fr. 450.-, mais on peut espérer qu’au cours des ans, de nouvelles concessions seront demandées.

En résumé, la Municipalité propose de demander le renouvellement de la loi pour 10 ans et demande au Conseil municipal de lui donner un préavis favorable pour entrer en négociation avec l’Etat de Genève.

A part l’entretien fait par le cantonnier donc sans frais il faut prévoir sous peu le curage du canal et éventuellement des réparations aux canalisations souterraines.

 

Copie du document original dactylographié

G. Savary - 05.2024



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