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CHATEAU SANS-SOUCI (BARTHOLONY)

PATRIMOINE VERSOISIEN a organisé, à l'occasion de l'Année des jardins, le 20 mai 2006, la visite du domaine Sans-Souci, ancienne propriété de Charles Bartholony, qui s’étendait de la rivière la Versoix à la frontière avec Genthod.

A l’origine ces terres faisaient partie du domaine Saladin.
C’est en effet à partir de l’année 1725 et jusqu’en 1758, que Jean-Louis Saladin, conjointement avec ses deux frères, acheta peu à peu toutes les petites propriétés qui composaient le hameau de Malagny afin de les grouper d’un seul tenant.
Jean-Louis Saladin fit des études de théologie mais termina ses études bien avant l’âge prescrit, n’obtenant pas de dispense, il se vit obligé de renoncer au ministère ecclésiastique.
Cet homme de très grande qualité se fit remarquer à la cour de France et d’Angleterre. Il occupa de hautes fonctions, le roi George II le nomma son résident à la cour de France.

En 1753, il reprit à son compte toutes les acquisitions et entreprit la construction de sa maison et l’aménagement des jardins. Les travaux durèrent quatre ans.
La maison Saladin qui se trouve à quelques centaines de mètres plus hauts que la route de Lausanne est un beau spécimen des constructions genevoises de cette époque.
Guy de Pourtalès en a tracé un tableau charmant dans son roman « Marins d’eau douce »

En 1819, le domaine de Malagny passa à la lignée des savants Marcet. Famille de médecins, chimistes, physiciens qui partageaient leur existence entre l’Angleterre et Genève.

En 1832, Adolphe Pictet - fils de Charles Pictet de Rochemond - fait l’acquisition d’Alexandre Marcet-Haldimann de quelques-uns des terrains situés entre la Versoix, le lac et la route Suisse. Il y fait construire une maison, une ferme et une serre.
La maison sera démolie en 1882 pour faire place au château et reconstruite pierre par pierre à la route de St Loup par Jean-Antoine Eggli, architecte. Cette propriété fut ensuite occupée par Adrien Lachenal, qui fut président de la Confédération.

Le château Bartholoni a été construit en 1882-84 pour Charles Bartholony. La famille des banquiers Bartholony était très active dans le financement des lignes de chemins-de fer qui se développaient dans la deuxième moitié du XIXeme siècle.
(Paris-Orléans, Paris-Lyon-Marseille.)

Les architectes Henri Bourrit et Jacques Simmler projetèrent une monumentale villa Napoléon III dont la composition symétrique, les parements de briques rouges et vernissées, la haute toiture d’ardoise se réfèrent aux styles Henri IV et Louis XIII. Le peintre français Albert Maignan (1845-1908), réalisa en 1884-1885 des toiles destinées à décorer les plafonds de pièces du château. La Gazette de Lausanne du 30.12.1885 nous dit: "La Suisse libérale, de Neuchâtel, annonce que M. Ch. Bartholony, à Genève, vient de commander à M. Iguel deux lions en marbre, semblables à ceux qui ornent le grand escalier du Palais de justice, pour décorer la terrasse de son château, à Versoix. "

 

Le propriétaire de cette magnifique demeure, possédait dit-on, le plus bel attelage de la région : quatre magnifiques chevaux blancs que les versoisiens admiraient le dimanche matin lorsque qu'un cocher et un valet, richement vêtus, conduisaient leurs maîtres à l'église paroissiale. Le château comptait alors une bonne douzaine d’employés : cocher, jardiniers, cuisinière, femme et valet de chambre, servantes et… matelot.
Ch. Bartholony est un des fondateurs de la SISL (Société Internationale de Sauvetage du Léman) avec le colonel William Hubert-Saladin.

L’avenir de cette magnifique demeure aurait pu changer lorsque Genève posa sa candidature pour abriter la Société des Nations.
On sait que désignant Genève comme siège de la Société des Nations, les dirigeants de la conférence mettaient comme condition à ce choix la mise à disposition de la ligue d’un bord du lac de 1500 mètres de longueur avec port pour les hydravions et d’un domaine vaste et d’un seul tenant ayant des voies d’accès faciles par terre, par eau et par air.
Le Conseil d’Etat se mit aussitôt en campagne pour trouver le terrain demandé et pour cela il dut aller jusqu’à 7 kilomètres de la ville, dans les communes de Genthod et de Versoix ou se rencontre l’emplacement rêvé. Il existe à cet endroit un groupe de maisons privées dont les domaines sont contigus et qui forment un merveilleux ensemble. L’ensemble de ces quatre propriétés forme un tout grandiose avec port au Creux-de-Genthod et le terrain nécessaire pour tous les services que nécessitera l’administration de la Société des Nations. La voie ferrée les traverse, les hydravions pourront trouver place sur le lac et les futurs champs d’aviation de Collex-Bossy sont à moins de 2 kilomètres. L’idée de Versoix n’était pas retenue. Après un court séjour à Londres, la SDN s'installe dans un ancien hôtel du quartier des Pâquis, l'hôtel National, qui sera son siège de 1920 à 1936 et qui sera connu sous le nom de Palais Wilson.
Les héritier de Charles Bartholony vendent leur domaine à Jacques-Arnold Amstutz le 1er mars 1926 ; ce dernier le revend le 20 mai à la S.I. Sans-Souci. Le domaine est morcellé, une parcelle est achetée par Marc Birkigt, fondateur de la société Hispano-Suiza. La parcelle de l’embouchure de la Versoix, qui possède un moulin, est aménagée par Adrien Lachenal fils qui en transforme le pavillon, élève une digue et construit un port. C’est aujourd’hui l’Institut Forel qui l’occupe.
Le château fut loué à une riche famille originaire du Lichtenstein. Le jeune baron Karl Horst von Waldthausen était passionné d’automobiles et a fait construire une piste d’essai dans le parc ; son ami garagiste Julio Villars et le baron ont créé une écurie de course. Nos deux coureurs étaient classés 5eme et 6eme meilleurs pilotes de suisse. Mais le bruit des bolides ne plaisait pas aux voisins ; le baron a dû déménager à Nyon. Il s’est tué en 1933 lors d’une course près de Marseille, il avait 26 ans.
Depuis la mort du baron von Waldthausen, le château n’a été que peu occupé, sinon pendant quelques journées par un groupe français d’extrême-droite, réuni en un congrès, qui avait provoqué de sérieuses réactions à Genève et ailleurs. Il a failli devenir un centre cinématographique qui ne vit jamais le jour pour des raisons financières.
Vers la fin des années cinquante, cela faisait déjà bien des années qu’on cherchait preneur pour le château « Sans-Souci » alors qu’il en causait beaucoup au contraire à ceux qui en avaient la charge.
De guerre lasse, ses propriétaires prirent la décision de démolir cette magnifique construction, dont personne ne semblait se soucier parmi les pouvoirs publics, et de morceler le terrain. Le géomètre avait déjà commencé son travail lorsque se présenta l’Emir de Qatar à qui nous devons d’avoir sauvé cet ensemble qu’il fit restaurer.

Les premiers coups de pioche pour la construction de la villa de Marc Birkigt (Rive Bleue) ont été donnés au début de septembre 1926. L’architecte qui en a dessiné les plans était Henry Baudin, à qui l’on doit aussi la Comédie de Genève. La lagune a été remblayée et on a construit un port qui est considéré comme le meilleur port privé du Léman. M. Birkigt était passionné de voile et il avait un magnifique 30m l’Edelweiss.

Sources :
Archives famille Birkigt
Anciennes maisons de campagne genevoises – Barde
Histoire de Genthod – Guillaume Fatio
Versoix genevoise - Marcel Lacroix
Cadastre, registre foncier

 

 
 
 
Annonce d'une vente au Château Sans-Souci en 1957 parue dans le Journal de Genève


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