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EGLISE SAINT-THEODULE

Lorsque l’on se promène dans le parc qui entoure la mairie, qui pourrait s’imaginer qu’ici se dressait jadis l’église Saint-Théodule, deuxième église construite à Versoix.

Origine de l'église

Le Comte Pierre de Savoie mourut le 16 mai 1268. Par son testament, dressé en 1264, il légua à son épouse, Agnès, sa vie durant, le château de Versoix, leg qu’il confirma en 1268, quelques jours avant de mourir. Sa veuve ne lui survécu que quelques semaines, elle mourût le 11 août 1268.
Par son testament du 9 août 1268, elle légua à son frère utérin Simon de Joinville, seigneur de Gex, le château de Versoix et tout ce qu’elle possédait de ce lieu à la Cluse, près Collonges, entre Rhône et Jura. C’est dans ce même testament que se trouve mentionnée l’obligation de la fondation de l’église de Versoix, près la rivière. En 1268, le bourg de Versoix était peuplé, puisque l’année suivante il est fait mention pour la première fois des franchises de Versoix. On peut placer à cette date également la construction de l’église sur l’emplacement de la chapelle. Son patron était Saint Théodule.
Cette église demeura une succursale de celle de Saint-Loup et ne deviendra paroissiale que beaucoup plus tard, quand le sanctuaire de Saint-Loup aura disparu, vraisemblablement lors de l’invasion bernoise. En 1481, dans le rapport de la visite paroissiale faite à Versoix par Claude, évêque in partibus de Claudiopolis, celui-ci désigne encore l’église du bourg comme une annexe de celle de Saint-Loup, mais signale que vu l’éloignement de cette dernière, la sainte hostie, les fonds baptismaux, les joyaux et ornements ont été transportés dans l’église du bourg.

Prise de possession de la cure par un nouveau curé, Jean-Gaspard Jannod en 1758:

"... désirant prendre possession de l'église de Versoix et de tous les droits, fruits et revenus en dépendant, il (Jannod) m'a requis de me transporter audit Versoix, pour dresser acte de ladite possession et laquelle il a pris en la manière suivante: savoir au son des cloches et de là il est entré dans le choeur de l'église, où étant assisté de Messire Jean-Claude Burdet, prêtre et curé de Cessy, et de Messire Augustin Pessard, prêtre et curé de Sauvernier. Prenant de l'eau bénite et aspergeant d'icelle les paroissiens présents, se prosternant à genou devant le grand autel, baisant iceluy et les vases sacrés, touchant de la main le missel et les ornements consacrés au service divin, sonnant les cloches et en gardant toutes les autres solennités requises, laquelle possession ainsi prise, ledit Messire Jannod l'aurait publiquement déclarée auxdits paroissiens à ce présents, à laquelle prise de possession, dont ce que dessus ledit Messire Jannod a requis acte que j'ai octroyé pour lui servir en ce qu'il lui appartiendra.

"Fait et passé audit Versoix, au devant de l'église, en présence de M. Mathieu Mégard, la Cour et Lieutenant en l'Election de Bugey...1".

1 Archives de Genève, Minutes Nicod, I, p.15

Chapelle Saint-Théodule, vers 1920, archives APV

Vente de l'église

Pour couvrir les frais de construction de la nouvelle église inaugurée le 28 mars 1839, il fut décidé de vendre la chapelle Saint-Théodule et le cimetière attenant. L’acquéreur tout désigné était Philippe Machard, dans la propriété duquel elle formait une enclave. La vente avait été fixée au 7 juillet 1842, lorsque la veille, une lettre du curé Moglia, contresignée de 58 habitants, demanda au Conseil d’Etat de renoncer à cette vente afin de conserver un bâtiment et un terrain auxquels se rattachent des souvenirs religieux et de famille. Le gouvernement ne crut pas devoir donner suite à ce désir. Le 7 juillet donc, dans le clos de la vieille église, on s’apprêtait à procéder aux enchères quand une foule d’hommes et de femmes, curé en tête, poussant des cris hostiles, firent une telle obstruction qu’il fallut renoncer à la vente.

Par esprit de pacification, le gouvernement repoussa la vente au 14 juillet, à la mairie. A l’heure dite, l’adjudication est ouverte sur une mise à prix de 2000 francs ; M. Machard se porte preneur à 2400 francs, 2450 réponds l’abbé Moglia, 2500 dit le boucher Delarue, 2550 fait le curé. M. Machard allait surenchérir quand le curé lui fit un signe ; une courte conversation s’engagea. Le curé exposa à M. Machard qu’il empêcherait par des servitudes, qu’il ne soit jamais élevé une maison sur ce terrain. M. Machard s’inclina et cessa d’enchérir.  Grâce au soutien de la baronne Girod de l'Ain qui fut très généreuse à l'égard du culte catholique, l’abbé Moglia devenait donc propriétaire de l’église et du cimetière pour 2550 francs.

La nef fut démolie, on ne conserva que la chapelle et sur le fronton de laquelle fut peinte l’inscription : DES CŒURS GENEREUX A LA MÉMOIRE DE LEURS ANCÊTRES. Plus tard, un successeur de l’abbé Moglia voua cette chapelle à St Joseph1 et fit remplacer l’inscription par : SAINT JOSEPH PRIEZ POUR NOUS. Mais le maire fit effacer ces mots et rétablit l’ancien texte.
En 1857, alors que l’abbé Moglia n’était plus curé de Versoix, il fit don de la chapelle et de l’ancien cimetière à la commune en maintenant les servitudes consenties à M. Machard, et précisant en outre que la commune de Versoix devra conserver audit immeuble sa destination actuelle et ce à perpétuité et sans pouvoir la changer sous quel motif que ce soit.

   

Vestiges de l'église, photos G. Savary

L'église abandonnée

En 1942, Jean-Pierre Ferrier écrivait dans son Histoire de Versoix. « En voyant les amas de ferraille et les hangars qui occupent maintenant notre ancien champ de repos, on peut se demander si ces stipulations sont bien observées. »
Le 24 février 1948, on pouvait lire dans le Journal de Genève, l’article suivant :
« A propos d'une ancienne chapelle
Une petite chapelle du XVIIe siècle s'élevait à Versoix, enclose de murs, près du pont, à l'entrée du bourg. La municipalité vient d'en décider la démolition. Certes, au point de vue de l'art, ce modeste monument ne pouvait passer pour remarquable. Cependant, en dépit de l'abandon où il se trouvait, il attirait encore l'attention. Sa curieuse dédicace : DES CŒURS GÉNÉREUX A LA MÉMOIRE DE LEURS ANCÊTRES peinte au fronton voici un siècle, retenait les promeneurs, surpris de trouver là de l'inattendu. Il fut un témoin du temps et des lieux où Voltaire vit échouer dans Versoix son ambition d'y fonder une ville nouvelle rivale de Genève. Les belles perspectives et les nobles architectures ne sont pas seules à faire l'éducation esthétique de chacun. C'est encore, dans l'ordre mineur, un détail imprévu qui saisit le regard, une forme jugée tout d'abord irrationnelle ou surannée, mais chargée d'un sens qu'il est plaisant de retrouver. On touchera donc d'une main prudente aux choses lentement édifiées qui donnent à notre pays ses traits rares ou singuliers. Dans son effacement, dans sa vétusté qui n'était pas irréparable, l'ancienne chapelle de Versoix présentait à sa manière des caractères originaux. Sa disparition ne sera pas sans laisser des regrets. L. Grosgurin. »

Démolition de l'église

Compte rendu administratif de l’exercice 1948 de la commune de Versoix:

« Clos de la Chapelle. Après de nombreuses difficultés, nous avons enfin réussi à libérer cette parcelle communale, ce qui nous a permis de réaliser les travaux prévus, soit : le crépissage des murs et la pose d'un treillage Charion du côté lac ; la construction d'un muret en bordure de la route cantonale; la reconstitution des montants du porche de l'ancienne église; l'installation d'une fontaine et d'une prise d'eau et la création de jeux de sable ; l'aménagement des pelouses et la plantation d'arbres et d'arbrisseaux. Ces travaux ont été exécutés par une équipe, sous les ordres de notre cantonnier, M. M. Besson. La création de ce jardin rustique, qui agrémente l'entrée de notre village, rendra certainement service aux habitants du Bourg et permettra aux jeunes enfants de s'ébattre en sécurité." 

Compte rendu administratif de l’exercice 1949 de la commune de Versoix:

Clos de la Chapelle. Ce jardin rustique communal a été terminé. Il était abondamment fleuri en juin. Des bancs ont été placés. Chacun se plaît à reconnaître que cette transformation du Clos de la Chapelle a grandement amélioré l'aspect de l'entrée de notre bourg. Sur notre demande, un trottoir a été aménagé en bordure de la route de Suisse par le Département des Travaux publics. »

Eglise Saint Théodule, peinture sur verre, ancien vitrail de l'église catholique. Archives APV

Vestiges

En 1975, lors des travaux d’aménagement du parc de la nouvelle mairie, des ossements ont été découverts, vestiges de l’ancien cimetière.
Actuellement, le petit parc d’agrément créé en 1948 a été transformé en parking. Contre le mur qui sépare la propriété communale de la propriété Barakat, l’encadrement de la porte ogivale de la chapelle témoigne de la présence de cette église qui traversa 680 ans de notre histoire.
G. Savary

1  Suite à la transformation de l'église qui devint la chapelle St Joseph du bas, par rapport à la chapelle des soeurs à la rampe de la gare  qui était la chapelle St Joseph du Bourg.

Histoire de Versoix, J.-P. Ferrier, 1942
www.archivesletemps.ch



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