FERRARI ANDRE
- Eh, garçon ! Voudrais-tu aller me chercher un paquet de tabac ? Ma mère m'ayant appris à ne jamais refuser un service à une personne âgée, je courrais au magasin de tabac Décrind, avec les sous qu'il m'avait donnés. A mon retour, je lui tendis le paquet de tabac et les cinquante centimes qui lui revenaient. - C’est pour toi ! Je refusais poliment en lui disant que c'était trop. Il me répondit : J'ai pu vérifier son propos par la suite ! Quelques années passèrent, Monsieur Ferrari ne sortait plus de chez lui, il était cloué au lit. Un jour d'automne, que je rentrais de l’école, sa gouvernante, Madame Suzanne me demanda si j'accepterais de lui monter son bois depuis la cave. J'acceptai la proposition et commençai tout de suite mon nouveau travail et ceci pendant tout l'hiver. Une relation d’amitié et de complicité se noua entre nous. Mes voyages à la cave me firent découvrir des petits trésors. Des cartons empilés pêle-mêle à côté du tas de bois, étaient remplis de plans d'architectes. Je découvrais ainsi sur ces feuilles de papier bleuté et poussiéreux, les contours de quelques belles maisons de Versoix, construites dans les années 1920 à 1940 par celui qui était alors l'entrepreneur Ferrari. Sans doute que ces traits de crayons et ces formes géométriques m'ont influencé dans mon choix professionnel quelques années plus tard.
Une tâche ingrate lui restait à exécuter ; libérer les deux vieux chiens de chasse qui se trouvaient derrière les grillages du chenil, derrière la maison. Malgré nos multiples supplications auprès de celui qui avait partagé avec eux tant de parties de chasse et qui, tellement diminué, ne pouvait se résoudre à les faire euthanasier, il fallut toute la diplomatie d'un de ces amis chasseurs pour le convaincre de les libérer de leur calvaire. La mort de Monsieur Ferrari survint peu après. Je ne revis pas Madame Suzanne qui est probablement retourné finir ses jours à Montbéliard. André Ferrari dirigeait son entreprise de maçonnerie-peinture depuis le début des années 1920. Le compte-rendu du Conseil municipal de l’année 1925 nous apprend qu'il a reçu l'autorisation de déposer des matériaux de déblais pour créer un chemin allant du carrefour de la route de Suisse avec la route des Fayards, jusqu'à la Versoix, à la condition de le fermer par des chabauris pour éviter que les cyclistes tombent dans la rivière. C'est ainsi qu'est né le chemin de l'Ancien-Péage. Les dépôts de l'entreprise étaient basés dans l'ancien cimetière protestant du chemin de la Scie.
A la mort de Monsieur Ferrari, la maison changea de propriétaire plusieurs fois, devenu un garage et enfin, elle abrita une société de services. Elle fut démolie lors de la construction du centre commercial Migros, en 2016, modifiant l’aspect du quartier de la Scie qui n’avait guère changé depuis les années 1920. Georges Savary, novembre 2020 Cahiers de chasse. M. Debourgogne, Archives APV LIV122/II |
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