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La Fabrique de gypse de Port-Choiseul

Le chemin qui borde le lac à Port-Choiseul passe devant une belle propriété. Il est difficile de s’imaginer que ces bâtiments faisaient partie d’une fabrique.

Les bâtiments qui abritaient la fabrique de gypse, détail. E. Perriraz- APV OBJ553

A la fin des années 1830, Léonard Ducoster (1790-1846) construit des bâtiments et aménage des installations pour créer une fabrique de gypse. Ce minerais est concassé et broyé, puis cuit dans des fours pour obtenir la poudre de plâtre.

Le chemin, propriété de l’Etat, est utilisé pour accéder à son établissement. La grève est souvent emportée par les eaux du lac mais aussi par les tuiliers qui l’ont exploitée comme pièce de terre glaise (la tuilerie de Versoix était voisine) et cela cause des dégâts au chemin. Faisant suite à une demande de réparations de celui-ci, le Département des travaux publics ne veut pas prendre ces travaux à sa charge mais autorise L. Ducoster à les faire à ses frais.

 

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Annonce parue dans LE NATIONAL, Journal de Genève du 22 mai 1839

De même, l’entrepreneur pouvait profiter de l’eau du canal qui longeait sa propriété, moyennant le paiement d’une taxe. En 1843, Il est autorisé à placer deux vannes dans le bief mais l’autorisation est à bien plaire. Ces vannes doivent être en bois et en pierre.

 

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Port Choiseul, au premier plan la buvette de la Tuilerie

Le port, bien qu’inachevé, permettait le transport des matériaux nécessaires à la fabrication (minerai et bois pour chauffer le four) et l’expédition par des barques de la matière transformée. Lorsque l’ensablement et les basses eaux empêchaient le débarquement, il fallait demander une autorisation à l’Etat pour construire un ponton, par exemple en novembre 1857 :

« considérant que les basses eaux et l’ensablement du Port nuisent au transbordement des marchandises, autorise le requérant à placer des chevalets dans le port sur une longueur de trente mètres pour établir un pont volant au-dessus. Cette autorisation est accordée à bien plaire et le tout sera enlevé au 15 mai 1858. »

 

Les barques alimentaient les fabricants de gypse tout autour du lac jusqu’à Genève. Pour l’année 1859 le Département des travaux publics a recensé 164 barques ayant débarqué du gypse dans la rade de Genève. Certaines de ses barques ne sont pas arrivées à destination, on compte beaucoup de naufrage et de drames occasionnés par ce moyen de transport, comme celui que raconte la Gazette de Lausanne du 2 avril 1882 :

— Encore un drame lugubre sur le lac Léman. Le brigantin, le Soleil, barque pontée de faible tonnage, chargée de gypse, arrivait de Thonon et marchait à voiles à un kilomètre devant Morges, dans la nuit de mercredi à jeudi. Le temps était splendide, un homme veillait à la barre, les deux autres bateliers dormaient dans la cabine de l'avant. Vers minuit, un coup de mirgct (brise de terre), prit les voiles à faux et la barque se coucha sur le flanc gauche, emprisonnant les deux dormeurs dans le carcagnou. Le batelier qui était au gouvernail sauta dans le batelet de sauvetage et se hâta de ramer sur Morges pour demander de l'aide. Les agents de police et quelques bateliers, conduits par le maître-pêcheur Etienne Lombral, s'empressèrent au secours de la barque naufragée où deux hommes attendaient la mort. Quand ils arrivèrent sur l'épave, ils entendirent appeler ; en se couchant sur le flanc, la barque avait gardé intérieurement une provision d'air, et les prisonniers respiraient encore. A l'aide de deux haches, les hommes de Lombral percèrent un trou carré sur le flanc droit de la barque, pour donner une sortie aux naufragés ; ils réussirent fort bien à passer entre deux courbes et à faire sauter les fortes planches des parois de la barque. Mais hélas ! il y avait en ce point, une double paroi : une seconde planche renforçait le revêtement extérieur, et il fallait encore la percer. Or, au moment où le premier trou fut fait à la coque de la barque, l'air s'échappa eu sifflant, l'eau remplit l'entrepont et noya les infortunés. Il était quatre heures du matin, les malheureux avaient attendu la mort pendant quatre heures. Les victimes sont un Vaudois, nommé Lâchât, homme de 32 ans, expérimenté et vaillant, qui avait longtemps navigué sur l'Océan et qui connaissait à fond les choses du lac : l'autre, un jeune Savoyard de 18 ans, qui faisait sa première campagne sur une barque. La tentative essayée par les sauveteurs de Morges a échoué ; elle était pourtant rationnelle ; et avait pour elle l'expérience du passé. Ou se raconte sur les bords du lac le naufrage du brigantin le Perroquet, qui chavira devant Cully au commencement de ce siècle : le petit mousse resta emprisonné dans le carcagnou. Un maître pécheur de Cully se fit porter sur la coque du bateau retourné, tailla avec son ciseau une rainure dessinant le cadre d'une porte : puis d'un coup de masse enfonça dans la barque le pieu qu'il avait ainsi à moitié détaché. L'air s'échappa à gros bouillons, mais l'enfant put sortir vivant du tombeau qui l'avait enfermé pendant bien des heures.

David-Henri Ducoster (1826-1883), fils de Léonard et de Louise-Antoine Dubois et son fils Louis-Ami âgé de 4 ans, sont décédés en 1883, probablement qu’à la suite de ces décès, les consorts Ducoster mettent en vente leur propriété.

 

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Georges Savary, février 2024



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